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Cadix, Ou La Diagonale Du Fou

Cadix, Ou La Diagonale Du Fou

Titel: Cadix, Ou La Diagonale Du Fou Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arturo Pérez-Reverte
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cela ainsi, répond le corsaire.
    — Vous ne comprenez pas, capitaine.
    Ils sont arrivés à la porte principale de la maison, à
l’abri du vaste couloir obscur qui mène au patio et à ses grands pots de
fougères. Pepe Lobo ôte son chapeau et le secoue pendant qu’elle ferme le
parapluie. Il sent la veste humide peser sur ses épaules. Ses souliers à boucle
d’argent, transformés en éponges, répandent une flaque sur les dalles.
    — Est libre celui auquel les choses arrivent telles
qu’il les a voulues…, dit-elle. Celui à qui personne d’autre que lui-même ne
met d’entraves.
    Maintenant, oui, elle est belle, admet Lobo. Avec cette
lumière ténue qui vient des deux côtés, patio et portail, et la pénombre
derrière, et les petites gouttes de pluie. Avec ce regard fixé sur lui, et qui
pourtant semble le traverser, voyageant plus loin, très loin. Dans des contrées
aux mers et aux horizons infinis.
    — Si jetais née homme…
    Elle se tait, et comble le vide que laissent ses paroles
d’un sourire à peine perceptible, rêveur.
    — Heureusement, ça n’a pas été le cas, dit le corsaire.
    — Heureusement ? – Elle le dévisage avec
surprise, presque scandalisée, bien qu’il ne parvienne pas à établir par quoi.
    — Ah non, grand Dieu, non. Vous…
    Elle a levé une main, comme si elle voulait poser les doigts
sur sa bouche et l’empêcher de dire un mot de plus. Elle arrête son geste à
mi-chemin.
    — Il se fait tard, capitaine.
    Elle fait demi-tour, pousse la grille et pénètre dans la
maison. Pepe Lobo reste seul dans le couloir, contemplant la lumière grise du
patio vide. Puis il remet son chapeau et ressort dans la rue, sous la pluie.
     
    *
     
    Couvert d’un carrick en toile ciré et d’un chapeau de même
matière, adossé à un mur pour se protéger de la pluie, le commissaire Tizón
observe le corps qui gît sur le sol, à quelques pas, près du tas de décombres
sous lequel on l’a découvert trois heures plus tôt. La bombe est tombée cette
nuit, détruisant en partie une maison située dans une ruelle derrière la chapelle
de la Divina Pastora. Il y a eu quatre blessés parmi les habitants, dont
l’un – un vieillard qui était dans son lit et a été à moitié écrasé par
l’écroulement – est dans un état grave. Mais la surprise est venue au
matin, lors des travaux de déblaiement et de consolidation par les habitants
qui tâchaient de récupérer ce qui pouvait être sauvé. La femme dont le corps a
été découvert dans ce qui restait du rez-de-chaussée, un ancien atelier de
menuiserie abandonné, n’avait pas été tuée par l’explosion ou les débris :
elle était ligotée, bâillonnée et le dos ouvert à coups de fouet. La pluie, qui
maintenant lave le cadavre étendu sur le ventre parmi les décombres de la
maison, mouillant les cheveux emmêlés et imbibés de sang coagulé, entraîne la
poussière de plâtre et de briques cassées, découvrant le dos à tel point
déchiqueté que l’on voit les entrailles et la colonne vertébrale, luisantes
sous l’eau, de la base du crâne aux hanches.
    — Des débris lui ont écrasé la tête, et ce ne sera pas
facile de l’identifier…, commente Cadalso, qui s’approche, ruisselant, en
secouant les gouttes. Elle semble jeune, comme les autres.
    — Peut-être que quelqu’un la cherchera. Prends note de
ce que tu peux et fais procéder à une enquête.
    — Oui, monsieur. Tout de suite.
    Rogelio Tizón détache son dos du mur, contourne les
décombres et parcourt la ruelle jusqu’à la rue du Pasquin. La pluie tombe
toujours, clémente dans cette partie de la ville, où la disposition des rues en
lignes droites dont les segments se croisent perpendiculairement coupe
efficacement le vent. Balançant sa canne, le policier observe les constructions
voisines, les dommages causés par la bombe, la porte étroite qui, au fond de la
ruelle, communique avec l’église dont la façade donne sur la rue des Capucins.
Il est évident que la femme est morte avant l’arrivée de la bombe. Ce nouveau
crime a lui aussi devancé l’impact, comme dans l’une des deux occasions
précédentes : la rue du Vent. Dans celle du Laurier, cependant, il n’est
tombé aucune bombe, ni avant ni après, ce qui augmente la confusion du
commissaire. Tout ça va apporter de nouvelles complications, conclut-il en
pensant, avec inquiétude, à l’intendant général et au gouverneur. À ce qu’il
pourra leur

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