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Cadix, Ou La Diagonale Du Fou

Cadix, Ou La Diagonale Du Fou

Titel: Cadix, Ou La Diagonale Du Fou Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arturo Pérez-Reverte
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navires. Aussi a-t-il eu recours, quelques jours plus tôt, à un
expert. Je veux tout savoir sur les bombes que tirent les Français, lui a-t-il
dit. La raison pour laquelle certaines explosent et d’autres pas. Et aussi où
elles tombent et pourquoi. L’expert, un capitaine d’artillerie nommé Viñals,
vieille connaissance du café de la Poste, le lui a expliqué, assis à une petite
table de la cour, en dessinant sur le marbre avec un crayon : emplacement
des batteries ennemies, rôle du Trocadéro et de la Cabezuela dans le siège de
la ville, trajectoires des bombes, lieux situés à portée de celles-ci et lieux
situés au-delà.
    — Parlez-moi de ça. – Arrivé à ce point de
l’exposé, Tizón a levé la main. – De la portée des bombes.
    Le militaire était tout sourire, en homme qui connaît son
sujet sur le bout des doigts. C’était un individu d’âge moyen, à l’épaisse
moustache et aux pattes grisonnantes, portant la veste bleue à col rouge de son
arme. Il passait trois semaines sur quatre dans la position avancée du fort de
Puntales, à moins d’un mille de l’ennemi, sous une canonnade constante.
    — C’est un grave problème pour les Français. À ce jour,
ils n’ont pas réussi à dépasser une ligne imaginaire qui, tracée du nord au sud
de la ville, la diviserait en deux. Et ce n’est pas faute d’essayer !
    — Décrivez-moi cette ligne.
    De bas en haut, a expliqué l’artilleur. Depuis le départ de
l’Alameda à l’ouest, jusqu’à la vieille cathédrale. Plus des deux tiers de la
ville, a-t-il ajouté, restent à l’extérieur de ce secteur. Voilà pourquoi les
Français tentaient d’allonger leurs tirs, sans y arriver. Et c’est la raison
pour laquelle toutes les grenades tombées sur Cadix étaient concentrées sur la
partie orientale. Trois douzaines jusqu’à maintenant, dont très peu étaient
parvenues à exploser.
    — Trente-deux, a précisé Tizón qui a tout vérifié. Et
onze seulement ont explosé.
    — C’est naturel. Elles viennent de loin, et leurs mèches
ont eu le temps de s’éteindre durant le temps passé en l’air. Ou alors elles
sont trop courtes, et la grenade explose à mi-chemin. Et ce n’est pas faute
d’avoir essayé toutes sortes d’espolettes !… Je les étudie personnellement
quand nous pouvons les récupérer : toutes les espèces possibles de métaux
et de bois, et au moins dix modèles différents d’amorces pour enflammer les
charges.
    — Est-ce qu’il y a des différences techniques entre les
bombes ?
    Le problème, a expliqué l’artilleur, ce n’était pas seulement
les grenades qui arrivaient sur Cadix, mais les canons qui les tiraient. Ils
étaient de trois types : canons normaux à tir tendu, mortiers et obusiers.
Avec presque une demi-lieue de distance entre la Cabezuela et les remparts de
la ville, les premiers étaient inopérants. Leur portée était insuffisante et le
boulet finissait dans la mer. C’est pourquoi les Français avaient recours à des
pièces qui tiraient par élévation, suivant une trajectoire courbe, comme
c’était le cas des mortiers et des obusiers.
    — D’après ce que nous savons, ceux d’en face ont
exécuté les premiers essais avec des mortiers à la fin de l’année passée :
des pièces de 8, 9 et 11 pouces, qu’ils ont fait venir de France, dont les
grenades n’ont même pas réussi à traverser la baie. C’est alors qu’ils ont
recouru à un dénommé Pere Ros pour fondre de nouveaux mortiers… Ce nom vous dit
quelque chose, commissaire ?
    Tizón a acquiescé. Par ses rapports et ses informateurs, il
savait que ce Ros était un Espagnol rallié au roi Joseph, Catalan de Seo de
Urgel, ancien élève de la Fonderie royale de Barcelone et de l’académie de
Ségovie. Aujourd’hui à Séville avec la charge de superviseur de la fabrique
d’artillerie, il était au service des Français.
    — C’est à Pere Ros, a poursuivi Viñals, que les gabachos
ont passé commande de sept mortiers de 12 pouces, système Dedon, à plaque
et à chambre sphérique. Mais les Dedon sont compliqués à fondre et leur tir est
très imprécis. Le premier qu’ils ont amené de Séville n’a pas donné de résultat
et, du coup, ils ont suspendu la fabrication… Ils ont eu recours alors aux
Villantroys : lesquels, comme vous le savez, sont les obusiers dont on a
tant parlé en décembre quand ils nous bombardaient depuis la Cabezuela :
des pièces de 8 pouces qui

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