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Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1986-1997 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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arêtes, met le doigt où ça fait mal, remue le couteau dans la plaie. Nous parlons, lieu commun, de la difficulté qu’éprouve tout gouvernement en France à imposer ses réformes. Il balaie cette affirmation d’un geste : « Pour débloquer la France, dit-il, il faut simplement un nouveau Président, une assemblée élue pour cinq ans, l’utilisation des ordonnances et de l’article 49.3. Il faut également, dans ce cas, que le Président élu ne puisse l’être qu’une fois, qu’il ne puisse pas se représenter à la fin de son mandat. Il faut choisir entre l’Histoire et l’électorat. »
    Le mandat unique de sept ans, tel qu’il le défend, est peut-être nécessaire à la gestion sans concession et sans démagogie d’un pays. Mais quel pouvoir aurait un président de la République au cours de ses dernières années de mandat alors que la France entière s’attendrait à ce qu’il soit remplacé ? Sûrement davantage, nous explique-t-il, que s’il était frappé d’immobilisme à l’idée de ne pas être réélu...
    Selon lui, la société française est encore loin d’être débloquée 22  : les conservatismes restent forts, ces mêmes conservatismes qui, dit-il, « étaient prêts à renvoyer de Gaulle à Colombey dès 1962 ».
    « La France, assure-t-il encore, est dans un cocon, coupée des grandes forces de ce monde. Tout ce qui peut constituer des fausses solutions réapparaît. »
    Ce disant, il part d’un rire sarcastique.
    Mais c’est pour redevenir immédiatement sérieux, et même sévère. Les problèmes à traiter demeurent : l’enseignement où il faudra bien, à un moment, trouver un équilibre ; les rigidités du marché du travail ; enfin la protection sociale. Il conclut d’une phrase en condamnant « le conformisme et la courtisanerie de la France ».
    On ne le changera pas. J’ajoute : c’est peut-être comme cela qu’on l’aime.
    Après ce petit déjeuner avec Raymond Barre, déjeuner avec Dominique Baudis. Très intéressant : maire de Toulouse, mais peu présent sur la scène politique nationale, il parle sans user de la langue de bois, ce qui le rend particulièrement attrayant pour un journaliste 23 . J’essaie de retenir ce qu’il nous a dit, anecdotes et informations en vrac.
    Giscard et Chirac ont donc, selon lui, passé un accord en vue de la présidentielle. Il y aura deux candidats. Chirac n’a pas encore pris sa décision du côté RPR. Du côté de l’UDF, sera-ce Giscard ? Difficile, pour la majorité, de présenter à nouveau les deux compères et rivaux de 1981. « Pourquoi pas ? », se dit Giscard tandis que René Monory, lui, attend, veille et espère.
    « Balladur aurait fait un bon candidat que les centristes et l’UDF auraient pu accepter. Sera-t-il aussi bon dans les mois qui viennent ? C’est le problème. » J’en conclus, même s’il ne le dit pas, que Giscard ne veut à aucun prix de l’élection d’un Balladur avec les voix UDF qui, dans ce cas, ne lui appartiendraient jamais plus. D’où le pacte contre nature, il faut l’avouer, entre les deux adversaires de 1981.
    Dominique Baudis est surpris, en revanche, par la constitution du duo Balladur-Pasqua. Lorsque les deux hommes sont venus à Toulouse, ces jours derniers, Pasqua a déclaré sans ambages aux élus de la majorité qui posaient la question de la candidature Chirac : « Ceuxqui ont choisi de ne pas aller à Matignon n’ont pas de leçons à nous donner aujourd’hui. Balladur gouverne, il faut être derrière lui. » Il l’a redit aussi nettement le lendemain devant les militants.
    L’Europe ? Baudis reste européen, fédéraliste et maastrichtien, contre vents et marées. Toutefois, l’élargissement de l’Europe au détriment de son approfondissement lui pose problème. Il fait partie de ceux qui auraient plutôt été hostiles à l’élargissement.
    Il est parfois surpris par l’ardeur intempestive du gouvernement. Ainsi le préfet de Haute-Garonne lui a-t-il proposé d’organiser à Toulouse une vaste confrontation publique sur l’emploi, avec les patrons et les élus, concertation dont il ne veut absolument pas entendre parler. Il s’indigne à l’idée que ce soit au préfet que le gouvernement ait demandé cela, et pas à lui directement.
    Autre anecdote : hier soir, dans le taxi qui le ramène chez lui, à Paris, il évoque avec sa femme une bagarre insignifiante – il ne me précise pas à quel sujet – au sein du

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