Camarades de front
un S. S. Oberscharführer l’engueuler comme un chien en brandissant une mitraillette.
– Des fumiers, grogna Heide en tâtant son œil enflé, tous des fumiers !
– Mettons la mitrailleuse en batterie et tuons tout le lot, dit Porta.
– Epatant, et ensuite on taille dedans ! gloussa Petit-Frère en jonglant avec son grand couteau.
– Taisez-vous, imbéciles ! gronda Alte. Ils sont vingt contre un. Il faut les jouer.
– Tu n’y crois pas toi-même, marmonna Stege. Ils vont nous refroidir dès qu’ils trouveront les restes de notre mangeaille et Gerhardt.
– Exact, Hugo, dit le légionnaire. Et ce sera lui qui nous tuera. – Il montrait le grand type qui malmenait un autre chasseur.
Ils disparurent lentement derrière de maigres sapins. Dans un quart d’heure, ils seraient de l’autre côté et, ensuite, rapidement sur nous.
Ils apparurent comme la foudre. Stege serra les dents et saisit sa mitraillette. Alte avait levé un sourcil et nous fit un signe de calme. Petit-Frère changea de position. Les armes de la compagnie S. S. cliquetaient. Kraus, le S. S. muté chez nous à cause de sa lâcheté, en eut une toux caverneuse.
– Foutons le camp !
– Peur de tes frères ? demanda doucement Porta.
Le légionnaire sifflait sa chanson favorite. Le S. S. Obersturmführer marchait vivement, les manches retroussées, et l’on pouvait voir ses bras couverts de poils noirs. Nous sentions la mort toute proche, nos narines s’ouvraient comme celles du gibier qui entend les rabatteurs. Gerhardt disparut dans la maison, suivi de Petit-Frère et de Bauer. Ils arrivaient… tous de jeunes types, beaux et bien nourris.
– Compagnie : halte ! Reposez armes. Repos.
Les ordres résonnaient, froids et durs comme l’était la matinée. Alte cligna vers le chef aux poils noirs et leurs yeux se rencontrèrent. Alte marcha lentement sur cette herbe invraisemblablement verte que le vieux juif aimait tant. Le petit légionnaire flânait par-derrière, la mitraillette en position de tir, et se glissait mine de rien derrière un tas de bois.
Porta se coula dans la maison et on devina une bouche noir-bleu derrière la petite fenêtre grillagée cachée par des planches. Alte était protégé par deux des meilleurs tireurs du front.
L’officier S. S. remonta son pantalon alourdi par son mauser juste au moment où se faisait entendre dans la hutte un bruit d’assiettes et de verres. Les S. S. tendirent le cou. Quel bruit sympathique !
Le rapport que fit Alte fut court et sec. « Rien de particulier à signaler. » Les verres et les assiettes tintèrent de nouveau et le mince officier S. S. regarda, les sourcils levés, la porte ouverte. Il alla doucement, avec une lenteur inquiétante, vers la maison. Ses cuirs tout neufs grinçaient. Près du billot il s’arrêta, prit la hache et trancha un bout de bois d’un seul coup. Cette hache avait été aiguisée par un expert. Il donna un coup de pied au bois tranché et rit doucement. Son visage se durcit en se tournant vers Alte.,
– Vous, feldwebel, rassemblez vos hommes et filez en vitesse. – Une grosse montre en or brilla à son poignet lorsqu’il leva le bras pour le salut nazi.
La voix d’Alte tonna : – En avant marche, bandits !
Nous avançâmes, revêches. On se poussait et on murmurait. Petit-frère et Heide sortirent de la maison en se dandinant. Petit-Frère avait à la main le long couteau sibérien.
– Prenez les armes. En avant marche ! commandait Alte d’une voix de stentor.
Nous passâmes tout près des S. S. qui nous crachèrent leur mépris.
– Merdeux ! dit l’un.
Petit-Frère sursauta mais le légionnaire et Alte l’encadrèrent aussitôt. Les taons fourmillaient, nous piquant atrocement, toujours au bord du col. Nous traversâmes les pins sans retourner et ce ne fut que tout à fait en bas, près du vieux pont, que nous fîmes halte. Sans un mot, nous nous jetâmes sur le sol, toutes nos têtes tournées vers la hutte que le soleil éclairait maintenant en plein.
Nous vîmes l’Obersturmführer entrer dans la maison suivi de deux S. S. L’un était le grand Oberscharführer qui portait sa mitraillette comme une cravache et ils restèrent longtemps sans que nous entendîmes rien. Quelques autres s’étaient jetés sur l’herbe verte où ils jouaient aux dés ou aux cartes sans se presser.
– Notre ami le lieutenant Stief s’est bien caché, dit Porta.
– Espérons-le, murmura Alte inquiet, en
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