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Camarades de front

Camarades de front

Titel: Camarades de front Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sven Hassel
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Mais je suis amoureux de toi ! Tu vaux toutes les filles du bordel de Wiener Neustadt, et pourtant c’était chouette ! – Son visage s’éclaira d’une idée merveilleuse : – Emma ! Quand la guerre sera finie, nous irons ensemble au bordel et tu pourras juger que tu es mieux que toutes les putains !
    – Cochon ! cria Boule de suif, outrée. Je suis une femme convenable et pas une ordure, tâche de t’en souvenir. D’ailleurs j’y mettrai bon ordre…
    Petit-Frère pencha sa grosse tête : – Pardonne-moi, si je te fais honte, mais toi aussi souviens-toi que je ne suis pas un monsieur chic ! Et je t’en prie, quand les Angliches lâcheront leurs saloperies, fais attention, rentre ta grosse bouille !
    Elle sourit, ce qui fit disparaître ses petits yeux dans des replis graisseux.
    – Mon gros ours, murmurait-elle, bête comme un bœuf ! Mais tu me plais tellement. Je veux que tu reviennes, même avec une jambe de moins, ça n’a pas d’importance. – Elle réfléchit un instant : – Ce serait même mieux, tu m’obéirais plus facilement.
    Un feldgendarme se planta devant eux, les jambes écartées. – Dites donc, vous, l’Oberge-freiter, vous voulez une invitation écrite pour monter ? – Il empoigna Petit-Frère et le poussa dans le train.
    – Dans quinze jours je reviens, Emma ! Permission de fiançailles ou de mariage, je trouverai bien, criait le géant.
    Le train démarra d’une secousse et sa tête heurta une ferrure ; il se mit à saigner.
    – Jésus-Christ ! j’ai une fracture du crâne. Attends voir que je revienne !
    – Reviens, reviens ! criait Emma. Elle courait le long du train, tenant sa jupe d’une main et agitant de l’autre le ruban rouge des infirmières ; son visage brillait de larmes. – Reviens, mon ours, reviens !
    Tante Dora, à demi cachée par le kiosque, faisait des signes au légionnaire toujours accroché à sa portière ouverte. Une femme d’une cinquantaine d’années tomba, tenant dans les bras un enfant de trois ans qui roula sur l’asphalte. On entendit le cri terrifié d’un soldat de l’infanterie de marine.
     Plus vite… plus vite… L’interminable train roulait, emportant trois mille huit cents têtes de bétail en uniforme, à travers Hambourg en ruines vers Berlin.
    Un feldgendarme se frayait un chemin le long du couloir. – Fermez-les fenêtres, on tire sur tout ce qui se montre aux fenêtres.
    – Mouche à merde ! cracha un sous-officier du haut du filet.
    Dans un autre compartiment quelqu’un se mit à chanter : « Reviens, je t’attends – Je t’attends – Car pour moi – Tu es toute ma joie… »-
    Sur le quai des centaines de bien-aimées, de mères, de femmes et d’enfants fixaient encore l’horizon où le train avait disparu, ne laissant qu’une écharpe de fumée qui se fondait dans les nuages de pluie. La plupart ne devaient jamais se revoir. Tante Dora, seule près du kiosque, gardait un regard absent et ses lèvres, bougeaient dans son visage blême.
    – Reviens, Alfred… Pour l’amour de Dieu, reviens vers moi, n’importe comment, même sur des béquilles, mais reviens…
    Boule de suif, arrivée tout au bout du quai, continuait à agiter machinalement son ruban rouge. Elle haletait, poussive, après cet exercice inhabituel.
    – Gros ours bête, chuchotait-elle, ne reste pas là-bas…
    Et cette femme si dure fit quelque chose dont on ne l’aurait jamais crue capable : au beau milieu d’un quai de gare, sous les verrières en miettes, elle joignit les mains et pria.
    Il commençait à pleuvoir, une pluie fine et serrée. Le quai se vidait lentement, lorsque les sirènes se mirent à hurler. Les gens s’éparpillèrent de tous côtés. Dans le lointain tomba la première bombe.
    A l’entrée du quai restait encore une jeune femme au visage de pierre qui mordait son mouchoir et déchirait l’étoffe de ses dents.
    – Otto, bégayait-elle d’une voix rauque. Oh ! non ! Otto…
    Tout à coup elle poussa un cri perçant en s’arrachant les cheveux de désespoir. – Otto ! Ne les laisse pas t’assassiner ! Hitler assassin ! gémissait-elle à tous les échos. Hitler assassin ! – Deux jeunes civils en capote noire surgirent brusquement à côté d’elle. Un insigne d’argent brilla dans une main. On entendit : « Stapo. » Elle se débattit désespérément, mais ils l’entraînèrent et elle disparut dans l’ombré mystérieuse du bâtiment de la Police. Dans le

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