Carnac ou l'énigme de l'Atlantide
trouve sous la dalle de la Table des Marchands, serait
une sorte de charrue traînée par un quadrupède. Mais on sait que les plus
anciennes araires connues, datant de la fin de l’Âge des métaux, sont en bois. Cependant,
il est vrai que les haches retrouvées dans les sépultures néolithiques sont
souvent dissymétriques et franchement destinées à être emmanchées comme
herminettes ou comme houes. On a également interprété les fameuses crosses
représentées dans les dolmens du Morbihan comme des montures de faucilles. Mais
elles peuvent aussi bien être des sortes de fléaux pour battre le grain.
Il semble donc que l’agriculture, en Bretagne armoricaine, à
l’époque mégalithique, ait été importante tout en étant confinée sur des
terrains de dimensions modestes. L’élevage était pratiqué, notamment celui des
bovins. Quant à la pêche, elle demeurait sans doute la base de l’alimentation, en
particulier la cueillette des coquillages qui abondent dans les régions de
Carnac, de Quiberon et du golfe du Morbihan. Les indications manquent sur les
activités maritimes de ces peuples, mais le voisinage de la mer
et la densité de la population sur les régions côtières amènent à penser qu’il
y a eu une vie maritime intense. Il ne faut pas oublier que plus tard, les
habitants de ces lieux, les fameux Vénètes, seront les maîtres de la navigation
sur toutes les côtes de l’Atlantique et de la Manche.
Toutes les activités qu’on relève à propos des bâtisseurs
des grands dolmens de Locmariaquer et des alignements de Carnac ne peuvent se
justifier que dans un cadre social cohérent et bien organisé. Il fallait même
une organisation très efficace pour pouvoir construire les grandes sépultures
mégalithiques et les vastes champs de menhirs. Et l’on sait que ces
constructions sont précoces, ce qui amène à penser que la structure sociale des
peuples mégalithiques, surtout dans le Morbihan, était très en avance sur l’époque.
La richesse des sépultures morbihannaises du type Carnac, à
chambre fermée et donc en principe inviolable, qui contiennent à elles toutes
seules la plus grande partie des parures, des haches d’apparat ou de prestige
et des bijoux, laisse supposer l’existence d’une classe aisée, et l’on a pu
évoquer à ce propos une dynastie des princes d’Arzon, de Carnac et de
Locmariaquer qui aurait été le promoteur des grands travaux accomplis dans la
région. Cette dynastie princière aurait eu le monopole du commerce et se serait
arrogé des droits fantastiques sur l’ensemble de la population. On imagine mal,
en effet, un enthousiasme populaire et communautaire spontané pour sans cesse
édifier, réparer, modifier ces grandes sépultures, alors que seule une infime
partie de cette population y avait droit.
On en vient donc à considérer la société mégalithique du
Morbihan comme intermédiaire entre les tribus égalitaires et les États
centralisés proprement dits. On peut prendre des exemples de cette sorte sur
des sociétés stratifiées, à rangs hiérarchiques développés, comme il en existe
encore en Polynésie, et qui ont eu la capacité d’accomplir des réalisations remarquables.
On imagine donc la société mégalithique de Carnac comme une structure d’accueil
pour les individus, structure bien définie et reposant sur
des lois. L’intégration des individus devait être maintenue par la participation
à des cérémonies fréquentes, à des rituels complexes requérant le concours de
prêtres permanents. La classe sacerdotale devait donc jouer un rôle de premier
plan dans la vie sociale, à l’image de ce que seront plus tard, chez les Celtes,
les druides auprès des rois. Il devait y avoir tendance à la spécialisation, à
la division du travail, avec éclosion de catégories diverses d’artisans. Les
territoires de ces sociétés devaient être marqués par des frontières stables :
certains devaient constituer de petites chefferies, d’autres de véritables
principautés. D’après ce que l’on peut constater par l’archéologie, la région
de Carnac-Locmariaquer était sûrement une grande principauté, riche et
puissante à la fois par la densité de la population et par l’activité
économique. Ce n’est pas un peuple pauvre et désorganisé qui aurait pu
construire les grands ensembles que l’on connaît.
C’est à peu près tout ce que l’on peut dire sur la vie
sociale des constructeurs de mégalithes.
Weitere Kostenlose Bücher