Carnac ou l'énigme de l'Atlantide
l’activité économique
est entièrement axée sur le commerce maritime.
La légende, pourtant très populaire, nous est parvenue par
bribes, chaque épisode étant parfois considéré comme une totalité, par des
contes oraux, des chants folkloriques, certains textes hagiographiques, des chroniques,
comme celle de l’historiographe d’Anne de Bretagne, Pierre Le Baud, ainsi que
par un drame en breton du XVI e siècle, à tendances édifiantes, Le
Mystère de saint Gwenolé, dont nous possédons deux versions. À l’aide de
tous ces éléments, on peut reconstituer une sorte de saga assez étrange
et quelque peu « barbare » autour du personnage central du roi
Gradlon, apparemment roi de Cornouaille au IV e ou au V e siècle . Ce
Gradlon-Meur, ou Gradlon le Grand, a une fille nommée Dahud qui semble être
entrée en conflit avec son père pour des motifs religieux : elle est considérée
comme sorcière par la tradition, c’est-à-dire qu’elle est encore zélatrice de l’ancienne
religion, peut-être du druidisme, alors que Gradlon est chrétien, et s’efforce,
avec son neveu Gwenolé de Landévennec, et son ami Korentin, évêque de Quimper, de
faire prêcher partout l’Évangile. Le nom de Dahud provient d’un mot gaulois Dagosoitis, ce qui signifie « bonne sorcière ». Parfois, on l’appelle Ahès, en
la confondant avec un personnage mythologique du centre de la péninsule, qui
serait en fait un géant, Ohès le Vieil Barbé, connu par une curieuse chanson de
geste, La Chanson d’Aquin. Le nom d’Ahès se retrouve dans l’appellation
traditionnelle des voies romaines en Bretagne, an hent Ahès, le « chemin
d’Ahès », comme dans le nord de la France il y a des « Chaussées
Brunehaut », et dans le midi occitan des « Chemins de Brunissen ».
En tout cas, si Gradlon représente le Christianisme triomphant, Dahud-Ahès est
incontestablement le symbole du paganisme résistant. Et dans la légende, Dahud
est la princesse incontestée de la ville d’Is [37] .
« Le roi Gradlon quitta entièrement la ville de Quimper,
laquelle il laissa à Korentin, et transféra sa cour en une grande ville située
sur le bord de la mer, entre le cap de Fontenay (la pointe du Raz) et la pointe
de Crozon (le cap de la Chèvre), où à présent se trouve le golfe ou baie de
Douarnenez. Et cette ville s’appelait Is.
De là, il venait souvent à Landévennec voir Gwenolé, auquel
il donna son château de Tevenok [38] en
la paroisse d’Argol, avec toutes les appartenances et la forêt voisine. En
cette cité, sur la rive de la mer qui retient encore le nom d’Is, au temps du
roi Gradlon, second roi breton d’Armorique, était connu l’art de naviguer à
travers le raz. Les forains y descendaient les marchandises en grande quantité.
C’est pour cela que la ville était très fréquentée et très habitée, qu’elle
était si grande et qu’elle avait une telle réputation que, comme
les historiens gaulois ont prétendu le nom de la ville de Paris avoir été
imposé en mémoire de Paris, fils du roi Priam de Troie, ou de la déesse Isis
qui anciennement y fut honorée, les Corisopites [39] se
vantent que le nom de Paris lui a été attribué comme signifiant « pareil à
Is ».
Assurément, et bien que la référence géographique soit
précise, ainsi que le moment où se situe l’action, il existe des analogies
frappantes entre cette description de la ville d’Is et ce que Platon raconte au
sujet de l’Atlantide, toutes proportions gardées, et compte tenu du contexte de
civilisation. La suite des événements va encore accentuer des ressemblances qui
tiennent beaucoup plus à l’esprit qu’à la lettre. En effet, la ville d’Is
semble rejeter le Christianisme, encouragée par l’exemple de sa princesse, et
surtout les habitants ne pratiquent guère la vertu, préférant les jouissances
que procure la fortune. Aussi « Gwenolé allait souvent voir le roi Gradlon
en la superbe cité d’Is, et prêchait fort hautement contre les abominations qui
se commettaient en cette grande ville tout absorbée en luxes, débauches et
vanités. Mais les habitants demeuraient obstinés en leurs péchés ».
Cette réputation de débauche ne fait que s’accroître. Parfois
les voyageurs demandent : « Qu’y a-t-il de nouveau dans la ville d’Is,
alors que tellement folle est sa jeunesse, alors qu’on entend, au-dessus du
grondement des flots, le son de la bombarde et du biniou ? » Ils
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