Ce jour-là
formation, des rumeurs sur nos affectations circulaient. Les instructeurs donneraient une note à l’ensemble de la classe et les chefs d’escadron feraient leur sélection.
Les membres des escadrons changeaient sans arrêt : ils effectuaient des missions à l’étranger, reprenaient l’entraînement, ou restaient en stand by – période pendant laquelle l’ordre de se déployer pouvait arriver à tout moment. Nous ignorions où nous devions aller tant que nous n’avions pas été choisis.
Le choix arrêté, les instructeurs affichèrent la liste des affectations. Beaucoup de mes meilleurs copains, y compris Charlie et Steve, feraient partie du même escadron que moi.
« Hé, félicitations, me dit Tom, quand il me vit étudier la liste. Quand j’aurai terminé mon temps comme instructeur ici, je retournerai justement dans cet escadron pour prendre un poste de chef d’équipe. »
Les SEAL peuvent être déployés n’importe quand, n’importe où dans le monde. Une équipe d’une douzaine d’hommes forme le cœur des escadrons. Chaque équipe est sous les ordres d’un ancien des SEAL. Les équipes sont regroupées en sections commandées par un lieutenant. Un ensemble de sections compose un escadron, aux ordres d’un commandant. Des analystes du renseignement et du personnel d’intendance complètent les escadrons d’assaut du DEVGRU.
Lorsqu’on intègre une équipe, on monte peu à peu dans la hiérarchie. La plupart du temps, on reste dans la même équipe à moins d’être sélectionné pour devenir instructeur dans la Green Team, ou affecté à une mission particulière.
Le lendemain des affectations, j’ai pris mon matériel et j’ai rejoint l’escadron d’assaut de second niveau. Avec Steve et Charlie nous sommes montés dans la salle commune de l’équipe au premier étage du bâtiment. La pièce était vaste et comprenait un petit bar et un coin cuisine. Chacun avait apporté une caisse de bière : tradition incontournable pour le nouvel arrivant.
Notre escadron allait être placé en stand by puis déployé en Afghanistan. Certains de mes camarades de la Green Team empaquetaient déjà le matériel nécessaire à leur toute première rotation sur le terrain.
Les bureaux du commandant et de son adjoint donnaient sur la salle, occupée par une table massive. Autour, il y avait des tables plus petites, équipées d’ordinateurs, et des écrans plats aux murs. Et aux murs, étaient aussi accrochés les écus d’autres unités, comme les SAS australiens, et des souvenirs de précédentes missions. Un capuchon ensanglanté et des menottes en plastique, montés sur une plaque, rappelaient la capture d’un criminel de guerre bosniaque par l’escadron dans les années quatre-vingt-dix. L’arme du premier maître Neil Robert, un SA W (Squad Automatic Weapon ), était aussi accrochée au mur. Neil Robert était tombé d’un hélicoptère Chinook qui venait d’être touché par deux grenades-fusées, au début de l’opération Anaconda en Afghanistan, et il avait été achevé par les talibans.
Alors que nous étions rassemblés, je remarquai que tous les anciens portaient les cheveux longs et la barbe. La plupart avaient les bras couverts de tatouages et seuls quelques-uns étaient en uniforme. Vers la fin de la formation Green Team, nous avions commencé nous aussi à nous laisser pousser les cheveux et la barbe. Les règles en matière de tenue ont changé plusieurs fois, mais, à cette époque, les supérieurs s’inquiétaient moins de notre coupe de cheveux que de nos capacités sur le champ de bataille. C’était une équipe de super pros – mais dépenaillés. Nous venions d’horizons différents, nous avions tous des passions et des centres d’intérêt différents, mais nous avions en commun d’avoir accepté de sacrifier notre famille, notre temps et même nos vies pour un bien supérieur.
On nous demanda de nous présenter et de donner quelques brefs éléments biographiques. Charlie, « le Tyran », fut le premier à parler, mais à peine avait-il eu le temps de prononcer son nom qu’il avait été accueilli par un chœur de sifflets et de moqueries de la part des anciens.
« La ferme ! criaient-ils, on s’en fout ! »
Et ça se passa ainsi pour tout le monde. Puis, les types nous ont serré la main et aidé à déballer notre matériel. En fait, c’était une sorte de bizutage humoristique, et nous avions bien d’autres préoccupations pour
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