Ce jour-là
nous en soucier. Il y avait une guerre en cours et on n’avait pas de temps à perdre avec ça.
Je me sentais chez moi.
J’avais rêvé d’intégrer cette unité depuis que je m’étais engagé dans la Navy. Ici, on allait s’améliorer sans limite, et apporter une contribution sans limite également. La peur d’échouer était remplacée par le désir de bien faire, d’exceller.
Ce que j’avais appris pendant les trois jours de tests, plus d’un an auparavant, était encore plus vrai dans l’escadron : obtenir la moyenne était insuffisant.
En déballant mes affaires, je pris conscience que je devais encore faire mes preuves. Que j’aie réussi à la Green Team ne voulait strictement rien dire. Tous les autres types ici avaient réussi eux aussi. Je me fis la promesse d’être un atout pour l’équipe et que, pour cela, j’allais me défoncer à mort.
3
L E SECOND NIVEAU
Quelques semaines avant notre déploiement prévu en Afghanistan, j’imprimai la liste de mon matériel. On était en 2005 et je préparais ma première rotation dans un pays d’Asie centrale. Lors de mon passage à la SEAL Team Five, je ne m’étais rendu qu’en Irak. Je regardais sortir les pages de l’imprimante – six pages, sans interlignes. La liste qu’on nous avait donnée suggérait de prendre à peu près tout. Je commençai à rassembler mon barda.
Nos règles étaient celles des « grands garçons », c’est-à-dire que nous nous débrouillions tout seul. Peu de management, sauf si la situation le réclamait. Depuis que j’avais intégré l’unité, je me faisais un point d’honneur d’être autonome. Ces trois derniers mois, je m’étais entraîné avec une volonté farouche, pour me rendre utile. J’avais appris qu’on pouvait poser des questions si c’était indispensable, mais qu’il valait mieux ne pas avoir l’air du type qui ne sait jamais rien. Je ne voulais pas commettre l’erreur d’oublier quelque chose dès mon premier déploiement, alors, quand j’ai croisé mon chef d’équipe dans la salle commune, je l’ai interrogé sur la liste.
« Hé, dis-je en me servant un café, je prépare mon paquetage et, à en croire la liste, je dois tout emporter. »
Il était assis au comptoir en granit, une tasse de café devant lui, et remplissait des papiers. Petit et trapu, il avait les cheveux coupés court et était rasé de près, contrairement à pas mal d’autres. Il n’était pas non plus très bavard et avait passé plus de temps au DEVGRU que moi dans la Navy.
Il ne plaisantait pas avec la règle des « grands garçons ».
« Depuis quand es-tu dans la Navy ? me demanda-t-il.
— Bientôt six ans.
— Six ans que tu es un SEAL et tu ne sais pas de quoi t’as besoin en mission ? »
Je me suis senti comme une merde.
« Écoute, mon pote, qu’est-ce que tu crois qu’il faut prendre en mission ? Tu prends ce dont tu as besoin. »
De retour à ma cage, j’ai sorti mon matériel, que nous appelons notre kit. Chacun des hommes du DEVGRU dispose d’une cage, une sorte de cagibi dans lequel on peut entrer, comme une petite pièce, avec des étagères le long des murs et, dans le fond, une barre où accrocher nos uniformes.
Des sacs remplis de matériel s’entassaient sur les étagères. J’avais un sac pour le CQB (le combat rapproché). Un autre pour le HAHO (chute libre en haute altitude). Mon kit de nageur de combat était rangé dans un grand sac vert. Un code de couleurs régissait le rangement. Tout était au complet. Tout était parfaitement organisé et séparé.
Mais certaines choses, comme un outil multi-fonctions Gerber, étaient utiles dans la plupart des missions. À la SEAL Team Five, on nous avait donné cet outil qui faisait pince, lame, tournevis, ciseaux et ouvre-boîte.
On avait aussi droit à une lunette pour son fusil.
À un couteau à lame fixe.
Et à un jeu de protections balistiques.
On devait donc fouiller dans tous les sacs pour trouver le matériel nécessaire et le transférer dans un autre sac, où on rangeait ce dont on avait besoin pour une mission donnée. C’était une corvée, ce n’était pas efficace, mais c’était l’administration américaine et j’avais fini par m’y habituer.
Les choses, au DEVGRU, étaient différentes.
Mon chef d’équipe vint dans ma cage pour voir comment je m’y prenais, au milieu de mes sacs. J’avais posé un sac à l’écart où je mettais le matériel dont j’aurais besoin
Weitere Kostenlose Bücher