Ce jour-là
bien été détruit, nous avons retrouvé trois mains. Nous avons supposé que l’autre taliban était resté caché dans le foin et était mort là. On n’a jamais retrouvé son corps.
Peu après, j’ai entendu le bruit familier d’un Chinook qui revenait. Il s’est posé juste le temps d’embarquer le blessé et est reparti aussitôt pour rejoindre le service des urgences à l’hôpital de Bagra, un immense aérodrome au nord-est de Kaboul.
« Alpha 2, ici Alpha 1 », dit Phil dans la radio.
Alpha 2, c’était moi, lui était Alpha 1. C’était la première fois qu’il me contactait depuis que nous nous étions séparés pour nous lancer aux trousses des ennemis.
« Hé, mec, tu t’occupes des gars pour moi, OK ? »
L’aigle blessé, c’était lui. Il était assis dans l’hélicoptère, la jambe du pantalon découpée. Le sang imbibait son uniforme et coulait. Grâce à une bonne dose de morphine, il ne sentait pas la douleur.
J’ai appris plus tard qu’ils s’étaient rapprochés de deux talibans lourdement armés. Ils avaient envoyé le chien de combat en éclaireur. Les talibans l’avaient vu et avaient tiré. Phil avait été touché et le chien tué. La balle lui avait déchiqueté le bas de la jambe. Il aurait pu mourir d’une hémorragie, mais nos deux toubibs lui ont sauvé et la vie et la jambe grâce à une intervention ultra-rapide.
« Tu peux compter sur moi, mon frère. Prends soin de toi », lui dis-je.
Le temps de revenir jusqu’à la zone d’atterrissage pour le regroupement des effectifs, les blagues allaient déjà bon train.
« Bon boulot d’avoir eu Phil pour prendre son poste, dit l’un de mes coéquipiers. Si, si, on t’a vu lui tirer dans la jambe et courir lui piquer son badge. »
Phil n’était pas encore à l’hôpital que les conneries commençaient déjà.
8
S ENTIER DE CHÈVRES
J’avais envie de pisser.
Jalalabad. Trente minutes avant, nous étions montés à bord d’un hélicoptère à destination d’un poste de combat avancé dans la province montagneuse de Kunar, en Afghanistan. La pression montait dans ma vessie. Il était de règle d’aller se soulager ayant chaque départ en opération. Mais le vol était si court que j’avais décidé d’attendre d’être arrivé.
Cela se passait deux mois après que Phil avait été blessé. Il était en convalescence chez lui. Nous étions à trois semaines de la fin de notre déploiement. J’avais joué le rôle de chef d’équipe depuis que Phil avait été évacué. Nous étions en route pour une base d’opération avancée [FOB, Forward Opération Base ] , un avant-poste dans l’une des régions les plus instables de l’Afghanistan oriental. De la FOB partirait une opération qui devait nous conduire haut dans les montagnes.
Le CH-47 Chinook s’est mis en vol stationnaire et a commencé sa descente. Quelques secondes après qu’il eut touché le sol, la rampe s’est abattue et j’ai foncé dehors, passant derrière le gros moteur arrière pour me soulager dans un fossé, à une vingtaine de mètres du point d’atterrissage. Nous nous étions posés à cinquante mètres du poste aussi je me sentais en sécurité. Même si nous étions à découvert.
Quelques-uns de mes coéquipiers m’ont rejoint pour faire comme moi. Il faisait un noir d’encre. Pas le moindre éclairage. Les montagnes qui dominaient les environs rendaient l’obscurité plus profonde encore. Dans mon dos, les pales de l’hélicoptère tournaient toujours, et soulevaient des nuages de poussière. Le grondement des moteurs de Chinook est assourdissant.
Debout au bord du fossé, j’admirais la beauté de ces montagnes escarpées. À travers la lueur verdâtre de mes lunettes de vision nocturne, elles paraissaient tout à fait paisibles. Puis mes yeux ont distingué une lueur qui striait le ciel. J’ai pensé une fraction de seconde que c’était une étoile filante, jusqu’à ce que je me rende compte que la lueur fonçait sur moi.
BOUM !
Une roquette est tombée à trois mètres de la rampe arrière de l’hélicoptère, lançant une pluie d’éclats sur mes coéquipiers. Le temps de réagir, des balles traçantes et d’autres roquettes explosaient autour de nous. J’ai gagné un autre fossé, après la zone d’atterrissage. Tout le monde a été pris de court. Dans notre esprit, ce petit poste n’était que le point de départ de la mission. Nous ne nous attendions pas à entrer en contact
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