Ce jour-là
avec l’ennemi avant l’assaut, dans quelques heures.
Les moteurs de l’hélicoptère ont gémi, il a décollé et s’est éloigné vers la vallée. Le second hélicoptère a décollé également, mais le souffle des rotors a déclenché l’allumage d’un feu de signalisation autour de l’avant-poste. Ces feux servent en principe à avertir la base d’une attaque. Nous étions maintenant aussi visibles qu’en plein jour, et à découvert. Nous avons battu en retraite par petits groupes, loin de la lumière, tandis que les talibans tiraient sur le poste.
J’essayais de me reboutonner en courant à toutes jambes. J’ai entendu alors le bruit sourd d’un départ de mortier et le martèlement régulier d’une mitrailleuse lourde américaine de calibre .50 : on ripostait depuis la base. Je m’étais mis à l’abri dans un fossé. De là, je voyais les armes lourdes américaines pilonner la ligne de crête. Ça crépitait de partout. Des canons pointaient le long du rempart de la base, consolidé par du grillage Hesco et des sacs de sable.
Une fois la balise lumineuse éteinte, bénéficiant à nouveau de l’obscurité, nous avons manœuvré pour gagner le portail principal et nous mettre à l’abri derrière le mur d’enceinte du poste.
Nos toubibs se sont occupés des blessés. Personne n’avait été gravement touché, mais les éclats de roquette avaient atteint un ranger, notre interprète, un soldat afghan qu’on nous avait adjoint et notre chien de combat. Les hélicoptères tournaient en rond et dès que l’attaque a cessé, ils sont revenus chercher les blessés.
Une fois les blessés en route pour l’hôpital, le patron de l’opération du DEVGRU, les chefs d’équipe, le commandant du FOB ainsi que son premier sergent se sont réunis dans le bunker de commandement.
Charlie et le reste de la troupe attendaient dans la salle de musculation du poste. Charlie s’était porté volontaire pour les deux derniers mois du déploiement et avait rejoint mon équipe. Depuis que Phil avait été blessé, il nous manquait un homme et nous aurions eu besoin d’un sniper supplémentaire. Charlie venait juste de finir son temps comme instructeur à la Green Team.
« On m’a raconté que tu avais tiré sur Phil pour avoir sa place, m’avait dit Charlie à son arrivée. C’est ça ta méthode pour souder une équipe ? T’as intérêt à surveiller tes arrières. »
Le gros costaud m’avait manqué et ça me faisait plaisir de le revoir.
Phil parti, les canulars avaient cessé. J’étais tranquille, ma chambre ne serait pas bombardée de paillettes, mais l’ambiance était moins légère sans lui. Plus que tout, c’était son expérience qui nous manquait. On connaissait notre boulot, mais on avait du mal à remplacer l’expérience. Phil en avait à revendre. Vu le rythme des opérations on ne s’attardait pas sur le passé. Mais il nous manquait.
Ça avait été un peu compensé par l’arrivée de Charlie. Il sortait de son boulot d’instructeur à la Green Team, il était au mieux de sa forme, et il allait jouer un rôle vital dans cette opération. Son expérience et son calme sous le feu étaient sans pareils.
Le centre d’opération était une petite salle et les cartes du secteur étaient accrochées aux murs, au-dessus du mobilier en contreplaqué. À l’extérieur, des antennes dépassaient du bâtiment trapu. Des sacs de sable protégeaient les murs et le toit des roquettes et des obus de mortier. Dans un coin, deux spécialistes de l’armée s’occupaient de la radio.
Steve et moi regardions la carte.
« Désolé pour le comité d’accueil, nous dit le capitaine du poste. Ça nous arrive une fois par semaine. Vous étiez au mauvais endroit au mauvais moment, c’est tout. »
Les opérations étaient difficiles dans le Kunar. J’irais même jusqu’à dire que c’était la région du pays où il était le plus compliqué de cibler l’ennemi. Il était rare que nous y intervenions sans qu’il y ait un combat. Situées dans les contreforts de l’Hindou Kouch, ses montagnes et ses vallées étroites et pentues constituaient de formidables obstacles naturels. La province était la région préférée des insurgés depuis des décennies. Son terrain impénétrable, ses réseaux de grottes et sa frontière avec la région semi-autonome du nord-est du Pakistan donnaient un avantage significatif aux talibans.
Province surnommée « Enemy Central » ou
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