Ce jour-là
« Indian Country », plus de soixante-cinq pour cent des combats avec les insurgés ont eu lieu dans le Kunar entre janvier 2006 et mars 2010. Les forces locales des talibans s’y mêlaient aux djihadistes étrangers d’Al-Qaïda, tandis que des milices de moudjahidins opéraient aussi dans la région.
Une carte du secteur était dépliée sur la table, au centre de la pièce. Nous nous sommes rassemblés autour. L’objectif était d’effectuer une patrouille pour nous enfoncer loin dans la vallée au sud du poste ; il s’agissait d’aller capturer ou tuer un groupe de hauts responsables talibans qui allaient se réunir.
Nous approchions de la fin de notre déploiement et c’était notre dernière occasion de traiter une cible aussi importante. Cette rotation a obtenu de solides résultats, en dépit de la blessure de Phil et de la perte du chien de combat. Si l’affaire était bien menée, nous repartirions avec les honneurs.
Le drone qui survolait les lieux suspects avait détecté des patrouilles mobiles. Avec les années, Steve et moi étions devenus des experts dans l’art de repérer ce que nous appelions les « activités néfastes ».
Les images des drones ne sont pas parlantes en soi. Sur l’écran, les gens ne sont pas plus gros que des fourmis ; mais nous savions déceler et interpréter. La plupart des endroits habités ne sont pas gardés par des patrouilles. Cette information, le fait que nous étions dans la vallée du Kunar et les rapports des services de renseignements sur la réunion des talibans, tout cela combiné renforçait l’idée d’activités néfastes.
Nous savions que nous allions à l’affrontement.
Le plan prévoyait que mon équipe de huit hommes escaladerait la ligne de crête, et quelle avancerait parallèlement à la vallée pour aller se poster en amont de la cible. Nous installerions un poste d’interception à mi-pente pour accueillir les talibans qui essaieraient de s’enfuir. Ils ne s’attendraient pas à nous trouver en altitude, étant donné que le lieu de réunion se trouvait tout en haut de la vallée. Les deux autres équipes investiraient la route principale qui remontait la vallée, avec pour objectif de repousser les talibans vers l’embuscade. Si les deux équipes de la vallée arrivaient sur l’objectif sans avoir été repérées, nous descendrions simplement vers le lieu de rencontre pour les aider à nettoyer la cible de tous les côtés.
La plupart du temps, quand ils nous voyaient arriver, les talibans ne restaient pas pour se battre. Ils s’enfuyaient, essayaient de se cacher derrière une rangée d’arbres ou de rallier une vallée voisine. L’idée était qu’en plaçant une équipe en hauteur, ils iraient se jeter dans le piège. Nous n’aurions aucun mal à les éliminer avant qu’ils aient une chance de s’enfuir.
La voie d’infiltration ne faisait que sept kilomètres, ce qui ne paraît pas beaucoup quand on ne tient pas compte du dénivelé. Mon équipe allait devoir faire la difficile ascension cette nuit même, car la voie conduisait directement à la ligne de crête. Sachant ce qui nous attendait, j’avais renoncé à mon gilet pare-balles et n’avais pris que trois chargeurs de plus, une grenade à main, mes radios et un kit d’urgence. Chacun essayait de s’alléger autant que possible. « Light is right ! » , disions-nous.
Lorsqu’on ne prend pas de gilet pare-balles, il faut être prêt à en assumer les conséquences. Après l’accueil surprise sur la zone d’atterrissage, je me demandais si cette décision était sage.
Pendant que nous discutions du plan avec le capitaine de l’armée, je sentais le regard des soldats sur nous. Pour eux, cheveux ras, rasés de près, nous devions avoir l’air de Vikings ou de Hells Angels.
La plupart d’entre nous avaient les cheveux bien trop longs, au regard des normes en vigueur chez les militaires. Aucun ne portait le même uniforme et nos tenues étaient dépareillées. En plus, nous avions des lunettes de vision nocturne de science-fiction à quatre tubes, des détecteurs thermiques, des silencieux sur nos armes. Le matériel dernier cri. Chacun de nous était un professionnel, qui savait exactement de quoi il avait besoin pour faire son travail, chacun avait la responsabilité de prendre ce qu’il lui fallait.
« Y en a qui n’ont même par leur gilet », observa l’un des soldats.
Le chef de notre groupe de reconnaissance (RECCE) montra au
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