C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy
son aide de camp, le général Godfrey T. McHug. « Rien de nouveau », a dit le général, en remettant au président plusieurs journaux, ainsi que deux pages de rapports télégraphiés traitant du Vietnam et du Cambodge. Parmi les journaux, le Dallas Morning News se montre à la hauteur de sa réputation. Il publie une page entière encadrée de noir intitulée par dérision :
« Bienvenue à Dallas M. Kennedy . » Cette page, il est vrai, a été achetée au tarif de la publicité par un certain American Fact-finding Committee (comité américain d’enquête). Il s’agit en fait, comme le prouvera l’enquête postérieure, d’un comité fictif « créé uniquement pour avoir un nom à mettre dans le journal ». Ce factum accuse le président d’avoir « mis la doctrine de Monroe au rancart pour la remplacer par l’esprit de Moscou », de laisser « exterminer sauvagement de fidèles alliés anticommunistes de l’Amérique », d’avoir donné l’ordre à son frère Bobby « d’agir en douceur à l’égard des communistes et sympathisants ». Toutes ces accusations sont rédigées sous forme d’un réquisitoire en style direct : pourquoi Gus Hall, chef du parti communiste américain, « a-t-il approuvé presque tous vos actes politiques et a-t-il annoncé que le parti soutiendrait et appuierait votre réélection ? »
Sur le moment, le président n’a pas vu cette page. Il ne la lira qu’un peu plus tard et dira :
— Comment les gens peuvent-ils écrire des choses pareilles ?
Son petit déjeuner achevé, le président a quitté son appartement, pris l’ascenseur et souri à la lift-girl, Lupe Guerrero, la laissant aux anges. Pendant la nuit, il a plu. Malgré cela, depuis 3 heures du matin, des centaines de personnes attendent devant l’hôtel. Quand le président sort, il y trouve près de 20 000 spectateurs qui l’acclament. Kennedy doit improviser un petit discours en l’honneur de Fort Worth :
— Il n’y a pas de cœurs faibles à Fort Worth… Nous sommes militairement, grâce à la ville de Fort Worth, les plus forts du monde…
Les syndicalistes l’acclament. Des cris isolés :
— Où est Jackie ?
En souriant, il montre la fenêtre du huitième étage :
— Mrs Kennedy est en train de s’arranger ; cela lui prend plus longtemps mais, évidemment, elle est beaucoup mieux que nous quand elle a fini…
Après quoi, le président se rend dans la grande salle de bal de l’hôtel Texas où il doit prendre un petit déjeuner en compagnie de quelques centaines de démocrates qui ont payé 3 dollars – et souvent 125 au marché noir – l’honneur de partager le premier repas du président des États-Unis. Kennedy est passé maître dans l’art de faire semblant de manger – et de ne rien prendre. Son médecin lui a déconseillé de « consommer la nourriture servie aux banquets, dans les hôtels et autres lieux de réception ». On a servi le café quand paraît enfin Jacqueline, vêtue de rose, qui vient s’asseoir près de son mari. Elle est saluée d’une ovation « formidable ».
Le président prend la parole, redit ce qu’il a si souvent répété à travers le pays. Partout, il prononce à peu près le même discours mais – dit le journaliste Nerin E. Gun qui l’accompagna souvent et notamment ce jour-là – « en variant seulement les allusions flatteuses aux lieux qu’il visitait et aux citoyens importants de la localité ». Ce matin du 22 novembre, il parle des avions en construction à Fort Worth, rappelle que c’est dans un avion de ce modèle, un « Liberator » que son frère aîné Joseph a été tué pendant la guerre. Puis, « comme obéissant à quelque inspiration soudaine », il évoque le « monde très dangereux et si incertain dans lequel nous vivons…».
Il laisse la phrase inachevée, ce qui déconcerte le public. C’est sur ces mots qu’il quitte la salle. L’auditoire, « pensif et silencieux », n’applaudit pas sa sortie.
Avant de quitter l’hôtel, Kennedy bavarde avec Jackie et Kenneth O’Donnel, son special assistant , sur le rôle des services secrets dans la protection d’un président. Tout ce qu’ils peuvent faire, dit Kennedy, c’est protéger un président contre les foules surexcitées ou indisciplinées.
— Mais si quelqu’un veut réellement tuer un président, ce n’est pas tellement difficile ; on n’a qu’à poster un homme sur un bâtiment élevé avec un
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