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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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fusil télescopique, et personne ne peut rien faire pour protéger sa vie .
    À l’heure fixée par le protocole, le cortège gagne la base aérienne de Carswell. Un « tonnerre d’acclamations » l’accueille. À l’aérodrome, John et Jackie doivent serrer des centaines de mains. L’appareil décolle à 11 h 24. Dans l’avion, le président s’installe à l’avant, dans un compartiment séparé meublé d’une table, de fauteuils, de deux lits de repos et flanqué d’une salle d’eau. Il consulte des dossiers envoyés de Washington, signe quelques lettres et un télégramme de vœux à Winston Churchill, parcourt d’autres journaux. Il rejoint ensuite l’arrière de l’avion pour bavarder avec sa suite et les représentants de la presse. Il commente certains articles qui insistent beaucoup sur les divisions du parti démocrate au Texas.
    — C’est mauvais… très mauvais, fait-il.
    Godfrey T. McHugh lance :
    — Si vous trouvez ça mauvais, monsieur le président, attendez de voir le News de Dallas !
    — Je l’ai vu, dit sombrement Kennedy.
    Le trajet est court. Il n’y a guère qu’une trentaine de kilomètres entre Fort Worth et Dallas. 11 h 40 : l’ Air Force One se pose à Love Field. L’heure est venue d’affronter la ville redoutée.
     
    Le roman de Dallas apparaît à la mesure de l’épopée américaine. Avant 1940, ce n’était qu’une cité de 300 000 habitants : ville très moyenne pour les États-Unis. La découverte du pétrole a tout changé. Entre 1940 et 1960, la population a plus que doublé. Ce marché jusque-là surtout agricole est maintenant dominé « par toute cette nouvelle richesse qui coule à l’état brut des puits de pétrole pour venir s’investir dans les affaires de banque, d’assurances, les services publics, les placements immobiliers  (140)  ». Un journal « fait » la politique de la ville : le Dallas Morning News  : une politique « violente et primitive ». Le directeur de ce journal, invité en 1962 à la Maison-Blanche, a en toute simplicité déclaré à Kennedy que la nation avait besoin « d’un homme qui monte à cheval, au lieu d’enfourcher le tricycle de Caroline ».
    Il manque à Dallas une aristocratie de tradition – mais aussi un mouvement ouvrier organisé. On y cultive soigneusement un mythe aussi commode que dangereux : celui du vieux Texas, « de ses hommes virils, hardis cavaliers, tireurs redoutables, appliquant eux-mêmes la loi ». Ce mythe a son symbole : le chapeau à larges bords, dont le président a d’ailleurs reçu, à Fort Worth, un exemplaire qu’il compte bien donner à son petit garçon John-John. Ce pittoresque cache parfois mal certaines réalités : le pourcentage d’homicides est, au Texas, l’un des plus élevés des États-Unis, supérieur à celui de l’État de New York et dépassant de deux fois la moyenne nationale. Certaines années, on tue plus à Dallas que dans l’Angleterre entière. Entre le 1 er janvier et le 1 er novembre 1963, il s’est commis, à Dallas, quatre-vingt-dix-huit meurtres. Dallas, « ville de violence et d’hystérie », dit Schlesinger. Dallas, dont l’atmosphère « ne pouvait qu’influencer des gens par eux-mêmes faibles, impressionnables, hantés par le chaos et la haine ».
    La veille de l’arrivée du président, un chroniqueur sportif du Dallas Morning News a suggéré que John F. Kennedy ne parlât que de navigation à voile. « S’il choisit ce sujet, il sera entouré de chaleureux admirateurs. S’il parle de Cuba, des droits civiques, des impôts ou du Vietnam, il y en aura sûrement un pour se mettre à la cape et lâcher une bordée de mitraille dans le gréement présidentiel. »
     
    John F. Kennedy n’a nullement l’intention de parler de navigation à voile à Dallas : « Un homme fait ce qu’il doit, en dépit des circonstances personnelles…»
     
    Le président a choisi d’affronter Dallas dans son costume bleu, ses cheveux roux flottant au vent. Tel, il s’est présenté sur la passerelle de l’avion. Tel, il traverse l’aérodrome.
    On conduit le président à sa voiture, la Lincoln Continental présidentielle, modèle 1961, amenée par avion-cargo et immatriculée GG 300. Jackie, elle, s’attarde à serrer des mains, en répétant avec le même sourire : Thank you . John se décide à aller la chercher et la prend par la main pour l’arracher à la foule. Dix minutes après leur arrivée à

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