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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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l’AVH pour soutenir, par une logique révélée au cours des procès de Moscou, que Laszlo Rajk, recruté par un trotskiste, est lui-même trotskiste. Accusation inexpiable en régime stalinien.
    Les heures passent et, dans sa cellule, Bela Szasz, au-delà du désespoir, comprend qu’il a ajouté une pierre à l’architecture édifiée pour perdre Laszlo Rajk.
    Mais pourquoi veut-on perdre Laszlo Rajk ?
     
    Longtemps, les raisons précises de l’arrestation de Rajk et de ses amis sont demeurées obscures. Il n’en a plus été de même après la publication d’un livre essentiel, L’Aveu d’Artur London  (67) . Vice-ministre des Affaires étrangères de Tchécoslovaquie, London a été arrêté à Prague, en janvier 1950, et inculpé au même titre que ceux que l’on a désignés comme appartenant au « centre de conspiration contre l’État dirigé par Slansky ». Ce fut, à Prague comme à Budapest, la grande purge. Artur London, l’un des trois rescapés des seize coaccusés du procès de Prague, a souligné avec force que les accusés tchécoslovaques furent dénoncés comme complices de Rajk.
    Tout cela, en effet, se tient. À la base de tout, on trouve la rupture de Tito avec Staline quand celui-ci a voulu imposer, en Yougoslavie, une politique agraire incompatible avec les réalités. Jeté au ban du monde communiste, Tito est devenu une vipère lubrique . Il n’en est pas moins resté communiste et son régime a maintenu, parfaitement pure, la doctrine de Lénine. Néanmoins, il a osé dire non à Staline – ce que Staline n’a jamais admis de personne.
    C’est – ne l’oublions pas – le temps où la guerre froide entre la Russie soviétique et les États-Unis d’Amérique a failli plusieurs fois se muer en guerre chaude. La tension s’est exaspérée. En France et en Italie, les communistes ont dû quitter le gouvernement. Deux mondes se sont édifiés de part et d’autre d’un rideau de fer devenu une grande muraille idéologique. Ce qui apparaît très clairement dans les mécanismes exposés par Artur London, c’est la volonté délibérée de Staline d’éviter, par tous les moyens, que l’exemple de Tito soit suivi dans d’autres démocraties populaires. Pour parer à ce danger, une seule solution à ses yeux : terroriser les dirigeants communistes. On désigne ceux qui doivent être arrêtés, jugés, condamnés. En Hongrie, Rajk et ses amis. En Tchécoslovaquie, Slansky et les siens. Est-on sûr de leur culpabilité ? Pour Staline et ses agents, quelle importance ? On choisira de préférence des personnages connus pour leur esprit d’indépendance et leur patriotisme. Le motif d’inculpation viendra ensuite. L’esprit s’épouvante quand on apprend que, pendant les interrogatoires de Rajk, Moscou a changé trois fois de motif d’inculpation, avant de s’arrêter à celui que l’on estimait le plus propre à frapper les foules. Il a fallu refaire trois fois l’instruction et dicter trois fois à Rajk les réponses qu’il aurait à proférer en public  (68) .
    Pendant la Seconde Guerre mondiale, Rakosi, disciple agenouillé de Staline, était resté à l’abri en URSS, tandis que Rajk, en Hongrie, animait la résistance intérieure ; en mars 1944, les nazis l’avaient arrêté, condamné à mort puis déporté. Ce n’est qu’après la capitulation de l’Allemagne qu’il avait pu regagner la Hongrie. En choisissant Rajk plutôt qu’un autre, Staline débarrassait Rakosi – que les Hongrois appelaient le « moscovite » – d’un compétiteur gênant, dont la popularité dans le pays grandissait de mois en mois. Sommé par Moscou d’ouvrir ce procès exemplaire, Rakosi n’en a pas moins hésité quelque temps entre Rajk et un autre dirigeant communiste, Imre Nagy, futur animateur de la Révolution de 1956. Nagy était hostile à la collectivisation, pour les mêmes raisons qui avaient conduit Tito à se séparer de Staline. Rakosi, qui en était partisan, eût été ravi de s’en prendre à lui, mais Nagy disposait d’appuis dans l’entourage de Staline. Il fut sauvé. Rajk fut choisi.
     
    Désignés comme les complices de Rajk, des centaines de Hongrois sont en prison. Sous contrôle soviétique, les policiers de l’AVH les torturent sans relâche. Bela Szasz persiste à ne pas vouloir avouer qu’il est un espion, un titiste, un trotskiste, l’agent des puissances étrangères. Outrés par une audace aussi exorbitante, les hommes de

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