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C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy

Titel: C’était le XXe siècle T.4. De Staline à Kennedy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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pays, Imre Nagy ne peut plus se contenter de suivre le mouvement, il doit en prendre la tête. Le 30 octobre, à midi, il prononce à la radio un discours – et quel discours !
    — Pour permettre une complète démocratisation, le cabinet a aboli le système du parti unique et décidé que nous devons revenir à un système de gouvernement fondé sur une coopération démocratique des partis de la coalition tels qu’ils existaient en 1945.
    Il annonce la formation d’un cabinet restreint, avec trois ministres communistes, deux membres du parti des petits propriétaires, un national paysan, un social-démocrate. Il met cependant en garde les Hongrois : il ne saurait être question d’un retour au capitalisme. Aucune des revendications exprimées par les conseils et comités ne porte sur la dénationalisation de l’industrie et les moyens de production. Bela Novacs, secrétaire du parti des petits propriétaires, déclare lui-même, le 31 octobre :
    — Personne ne peut songer à revenir au monde des comtes, des banquiers, des capitalistes. Ce monde a disparu à jamais !
    Et Pal Maleter, aux journalistes étrangers :
    — Nous voulons une Hongrie socialiste, là-dessus on ne discute pas. Nous ne rendrons ni les terres, ni les banques, ni les usines à leurs anciens propriétaires.
    Ce que veulent les insurgés, Radio-Budapest l’exprime clairement le 30 octobre : « Une Hongrie libre, indépendante, démocratique et socialiste. »
    Imre Nagy n’a pas menti : les troupes soviétiques ont commencé à évacuer Budapest dans la soirée du 28 octobre. Après une pressante intervention auprès du commandement soviétique, le ministre de la Défense annonce que les troupes russes auront totalement quitté la ville le 31 octobre à l’aube.
     
    Tout va buter sur la journée du 30. Ce jour-là, un important groupe d’insurgés attaque l’un des sièges du Parti. Le gouvernement envoie trois chars pour le dégager. Les militaires passent aux insurgés ! Les assiégés – parmi lesquels Imre Mezö, secrétaire du Parti pour le Grand Budapest – acceptent de se rendre. À peine Mezö et ses collaborateurs sont-ils sortis de l’immeuble qu’ils sont massacrés par la foule. Sauvagement.
    La nouvelle, vite répandue parmi les communistes de Budapest, va causer une impression facile à imaginer. Va-t-on vers une Saint-Barthélemy des communistes ? Certains se sont demandé si le revirement de Janos Kadar, jusque-là combattant ouvertement auprès de Nagy, n’est pas né du meurtre de Mezö.
    C’est le 30, encore, que des éléments de l’armée délivrent le cardinal Mindszenty de la prison de Febopeteny où on le tient captif depuis sa condamnation en 1949. On ne peut que se réjouir de la libération d’un condamné politique, mais l’intransigeance du cardinal est connue. Aussi, son étroitesse d’esprit. De quel poids va-t-il peser dans la nouvelle Hongrie dont s’esquissent les bases imprécises ?
    Certes, les Soviétiques ont, avec Gomulka, accepté un compromis. Ils se sont même réconciliés avec Tito. Entendre Nagy annoncer qu’il abandonne le système du parti unique, c’est autre chose : toute l’histoire de la Russie soviétique est fondée sur l’existence d’un tel parti. Pour Moscou, le pire n’est pas là. Quand Mikoyan et Souslov ont entendu Nagy exprimer sa volonté d’une Hongrie neutre – donc une dénonciation du pacte de Varsovie – ils n’ont pu que se raidir. Peuvent-ils accepter l’inacceptable ? Au soir du 31 octobre, Nagy d’une part, Mikoyan et Souslov d’autre part, sont parvenus au bord de la rupture. Mais le tandem moscovite espère encore que ses appels à la raison auront convaincu Nagy. Sans en être sûr. Au moment de quitter Budapest, un journaliste hongrois voit les deux hommes, en apparence détendus, sortir du bureau de Kadar : « Le visage de Souslov est éclairé par le sourire qu’on lui connaît grâce aux photos. Mikoyan n’est pas aussi sévère que nous nous l’imaginions. Des fils d’argent traversent en grand nombre sa chevelure et sa moustache. Les deux hommes portent un pardessus d’hiver bleu foncé  (76) . »
    Les inséparables descendent l’escalier du palais. Un char soviétique les attend devant la porte. Ils y prennent place. Plusieurs autres blindés entourent le char. La caravane s’ébranle en direction de l’aéroport.
     
    Cette nuit-là, dès après l’arrivée de Mikoyan et Souslov à Moscou, fut prise au

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