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Charly 9

Charly 9

Titel: Charly 9 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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porte :
    — Quoi ? Que me
voulez-vous, ma mère ? Avez-vous besoin d’un nouveau crime ?
    — Charles, il faut que je te
parle car tu divagues et t’es dit à toi-même de curieuses choses…
    — Comment savez-vous ce que je
me suis dis, mère ?
    — Mon fils, ce qui est arrivé,
il valait mieux que ça tombe sur eux que sur nous !
    Le roi éclate de rire en bousculant
sa génitrice pour passer.
    — Où vas-tu, Charles ?
    — Me changer pour aller traquer
la bête rousse en forêt de Villers-Cotterêts.
    — Mais c’est loin. Tu ne seras
pas là avant plusieurs jours ! Et mes décisions que tu dois valider, les
ambassadeurs qu’il te faut recevoir, les édits que tu as à signer ?
    — On verra ça une autre fois.
    — Pourquoi t’en vas-tu ?
    — Aux civilisations, je préfère
les paysages.
     

 
11
    Sur son cheval – fringant genet
d’Espagne – le roi porte des bottes lacées au côté de la jambe comme une longue
cicatrice recousue. Il a aussi des grègues, descendant jusqu’aux genoux, à
bourrelets volumineux qui lui font des cuisses d’autruche. Il perçoit le son
des trompes au loin, l’aboiement des limiers et, à en juger par le cor, un cerf
est aux abois !
    Charles veut assister à l’hallali.
Il souffle dans son huchet – la petite trompe de chasse qu’il a prise sur la
table de son cabinet privé – pour prévenir de son arrivée et qu’on l’attende. À
toute allure, en chemise de grosse toile, bonnet de feutre pointu, il rejoint
le bord d’un étang d’où sort un dix-cors ruisselant qui tire la langue. La bête
rousse, quoique usée de fatigue, s’accule contre un noyer et tient encore tête
aux lévriers. Le monarque saute imprudemment de son cheval, s’il meurt, tant
pis ! En traître et dague au poing, il contourne le gibier, se met à
l’abri derrière le gros noyer et alors que, courageusement, le cerf envoie
valdinguer quelques piquiers et des chiens qu’il éventre de ses andouillers, le
roi de la Saint-Barthélemy sort de sa cachette :
    — Dieu te guérisse, Sa Majesté
te touche !
    La lame de son affamé coutelas
brille pour aller fendre le jarret d’une des pattes arrière de la bête rousse
qui, déséquilibrée, s’abat et roule parmi des bruyères en levant des poussières.
Le roi-équarisseur rit de son exploit :
    — Ne lui ai-je pas bien joué
mon jeu à ce parpaillot ? N’ai-je pas su bien me dissimuler pour le
forfait ? N’ai-je pas bien appris la leçon et le latin de mon aïeul
Louis XI ?
    Maintenant, il se jette à la gorge
de l’animal et l’air s’empourpre aux reflets de tuerie.
    — Tue, tue, mort-Dieu !
    Il plonge son couteau sous la
poitrine du cerf et tourne la lame pour agrandir largement la plaie au ventre.
Les gentilshommes, montés sur des chevaux superbes, s’agitent dans tous les
sens alors qu’un page arrive au galop pour faire signer un document urgent au
roi qu’il ne parvenait à retrouver dans la vaste forêt de
Villers-Cotterêts :
    — Sire, Sire ! Il me faut
tout de suite une signature au bas de cette dépêche et que vous y apposiez
l’empreinte en très bonne forme du sceau de votre bague ! La reine mère en
ordonne l’expédition rapide.
    Mais le roi qui halète glisse
entièrement sa tête dans le ventre ouvert du cerf comme si c’était du sable et
crie d’une voix étouffée :
    — Je ne suis pas là ! Je
ne suis pas là !
    Au page qui allait encore la
ramener, les gentilshommes conseillent de ne pas insister :
    — Sa Majesté va vous courir
après, vous tuer et vous dévaliser de la dépêche qu’il jettera dans l’étang.
    — Ah bon ?
    « Je ne suis pas là, je ne suis
pas là… » répète le roi tandis que l’émissaire s’en retourne en criant
« Hue ! » à son haridelle.
    — Ça y est, il est parti ?
Il n’y a plus de problèmes ?…
    Du ventre de la bête rousse,
Charles IX ressort sa tête fumante. Un comte qui fait pivoter sa monture
glose :
    — Voilà un fait divers qui
donnera à penser pour jamais.
    Après que les chiens ont dévoré les
abats du cerf, la Cour reprend le chemin de Paris.
     

 
12
    — Bonjour Majesté ! Vous
avez tiré le cordon pour prévenir de votre réveil. Puis-je donc ouvrir les
rideaux ?
    Sans attendre de réponse, le
capitaine de la chambre royale dégage la fenêtre :
    — C’est le point du jour. Nous
aurons un joli temps de début octobre.
    Le roi, au lit, se frotte les yeux,
observe le ciel à

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