Claude, empereur malgré lui
germain de la petite Camille, que ma grand-mère Livie avait jadis empoisonnée, le jour même où je devais lui être fiancé. Quand je me trouvais à Carthage, l’année précédant la mort de mon frère, Scribonianus s’était montré fort insolent à mon égard, parce qu’il venait de se distinguer au cours d’une bataille contre Tacfarinas, bataille à laquelle je n’avais pu prendre part ; sur quoi son père, Furius Camillus, le gouverneur de la province d’Afrique, avait exigé qu’il me demandât pardon publiquement. Il avait été obligé d’obéir, la parole d’un père ayant à Rome force de loi et par la suite, en deux ou trois occasions, il m’avait offensé par son attitude. Sous le règne de Caligula, au palais, il s’était ingénié à me tourmenter : presque tous les mauvais tours dont j’avais été la victime étaient de son invention. On imagine sans peine la réaction de Scribonianus, récemment envoyé par Caligula en Dalmatie pour y commander les forces romaines, en apprenant mon élection ; il fut non seulement rongé de jalousie et de dépit, mais aussi assailli de crainte pour sa propre sécurité. Et, parvenu au terme de son commandement et devant donc regagner Rome, il se demanda si j’étais homme à lui pardonner ses affronts et dans l’affirmative, si mon pardon ne serait pas encore plus difficile à supporter que ma colère. Il décida de me rendre ses devoirs, comme la coutume voulait qu’on le fît pour un commandant en chef, mais de tout mettre en œuvre pour s’assurer à titre personnel la loyauté des troupes placées sous ses ordres ; quand viendrait le moment d’être rappelé, il m’écrirait ce que Gétulicus avait jadis écrit des bords du Rhin à l’empereur Tibère : « Vous pouvez compter sur ma loyauté tant que je garderai mon commandement. »
Vinicianus était un ami personnel de Scribonianus et le tenait informé par lettres de ce qui se passait à Rome. À la suite de l’exécution de Silanus, Vinicianus écrivit ce qui suit :
J’ai de mauvaises nouvelles pour toi, mon cher Scribonianus. Claude, après avoir déshonoré Rome par son ignorance, sa stupidité et ses pitreries, par sa complète sujétion aux avis d’une bande d’affranchis grecs, d’un Juif fourbe et gaspilleur, de Vitellius, son compagnon de débauche, et de Messaline, sa femme-enfant lubrique et ambitieuse, a perpétré son premier crime important. Le pauvre Appius Silanus, rappelé d’Espagne où il commandait, tenu en disponibilité au palais, sans rien faire, pendant un mois ou deux, a été brutalement tiré de son lit un matin à l’aube et sommairement exécuté. Claude est venu hier au Sénat et s’est permis d’en plaisanter. Tous les gens sains d’esprit de la ville pensent que Silanus doit être vengé ; ils estiment que si un chef valable se présentait, la nation tout entière l’accueillerait à bras ouverts. Claude a partout semé le chaos et l’on en vient presque à souhaiter le retour de Caligula. Malheureusement, il peut actuellement compter sur les soldats de la Garde et nous, sans troupes, nous ne pouvons rien faire. On a tenté en vain de l’assassiner : il est couard à ce point qu’il est impossible de pénétrer dans le Palais avec une alêne sans se la faire saisir par les préposés à la fouille dans le vestibule. De toi nous attendons aide et assistance. Si tu décidais de marcher sur Rome avec le 7e et le 11e régiment, et les quelques forces que tu pourrais rassembler sur place, tous nos ennuis seraient terminés. Promets à la Garde une prime égale à celle que Claude lui a donnée, elle passera aussitôt de ton côté. Les soldats le tiennent pour un civil qui se mêle de tout et ils le méprisent ; il ne leur a jamais donné plus qu’une seule pièce d’or par homme pour boire à sa santé le jour de son anniversaire, depuis son acte initial de générosité forcée. Dès que tu auras débarqué en Italie – les difficultés du transport sont aisément surmontables – nous te rejoindrons avec une troupe de volontaires et te fournirons tout l’argent nécessaire. N’hésite pas. C’est le moment ou jamais, avant que la situation n’empire. Tu peux atteindre Rome avant que Claude ait eu le temps de faire venir des renforts du Rhin ; d’ailleurs, je ne pense pas qu’il en obtienne, même s’il les envoie chercher. On dit que les Germains projettent leur revanche et Galba n’est
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