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Claude, empereur malgré lui

Claude, empereur malgré lui

Titel: Claude, empereur malgré lui Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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d’entre eux, puis se dirigea vers moi et s’inclina de la façon la plus cérémonieuse.
    —  Puis-je te parler en privé, César   ? demanda-t-il, un large sourire aux lèvres.
    Déconcerté de m’entendre appeler César, je lui demandai d’user de mon vrai nom.
    —  Eh bien, si tu n’es pas César, je ne vois pas qui d’autre peut l’être, répondit Hérode, et la salle tout entière éclata de rire avec lui. Il se retourna. Mes vaillants amis, reprit-il, je vous remercie. Mais si vous aviez assisté cet après-midi à la réunion du Sénat, vous auriez vraiment eu l’occasion de rire. Jamais de ma vie je n’ai vu une telle bande d’énergumènes aussi infatués d’eux-mêmes. Savez-vous ce qu’ils s’imaginent   ? Ils croient vraiment qu’ils vont déclencher une guerre civile et vous défier, vous autres gardes, en une bataille rangée sans autre renfort que les bataillons de la garnison, et peut-être un guetteur ou deux, et tous leurs esclaves déguisés en soldats, sous le commandement de bretteurs de l’amphithéâtre   ! Incroyable n’est-ce pas   ? En réalité, ce que je suis venu dire à l’empereur, je peux le dire devant vous. Ils lui ont maintenant envoyé une délégation de protecteurs du peuple, car, voyez-vous, pas un seul d’entre eux n’oserait venir lui-même   ; on va prier l’empereur de se soumettre à l’autorité du Sénat, et s’il refuse, eh bien, ils l’y contraindront. Qu’en dites-vous   ! Je les ai accompagnés après avoir promis au Sénat que je donnerais à l’empereur quelques conseils désintéressés. Je vais maintenant tenir ma promesse. (Pivotant brusquement sur lui-même, il s’adressa à moi   :) César, mon conseil, le voici   : Sois dur avec eux   ! Écrase ces vers de terre sous tes pieds et regarde-les se contorsionner.
    —  Roi Hérode, mon ami, répondis-je sèchement, tu sembles oublier que je suis un Romain et que les pouvoirs même d’un empereur dépendent constitutionnellement de la volonté du Sénat. Si le Sénat m’envoie un message auquel je sois en mesure de répondre avec courtoisie et discipline, je ne manquerai certes pas de le faire.
    —  Comme il te plaira, rétorqua Hérode avec un haussement d’épaules, mais ils ne t’en traiteront pas mieux pour autant. Constitutionnellement, dis-tu   ? Je dois bien entendu m’incliner devant ton autorité supérieure en tant qu’historien, mais le mot «   constitution   » a-t-il la moindre signification pratique de nos jours   ?
    Les deux protecteurs furent alors introduits. Ils répétèrent la leçon qui leur avait été serinée au Sénat d’un ton machinal et fort peu convaincant. L’assemblée souhaitait que j’évite tout recours à la violence et m’incline sans réserve devant le pouvoir du Sénat. Le message me rappelait les dangers auxquels les sénateurs et moi avions échappé sous le règne du défunt empereur et j’étais invité à m’abstenir de toute action susceptible d’entraîner de nouveaux désastres publics.
    La phrase sur les dangers auxquels les représentants du Sénat et moi-même avions échappé sous le règne de Caligula fut répétée trois fois en tout   : l’un des deux tout d’abord fit une erreur, sur quoi l’autre vint à sa rescousse, et enfin le premier la reprit à nouveau de bout en bout. Je déclarai d’un ton agacé   :
    —  Oui, ce vers a déjà été déclamé, je crois.
    Et je citai cette apostrophe d’Homère que l’on retrouve si souvent dans l’ Odyssée   :
     
    Heureux de réchapper d’un péril mortel
    Nos compagnons vaincus par un destin cruel.
     
    Hérode fut enchanté de cette sortie. Il récita comiquement   : «   Nos compagnons vaincus par un destin cruel   », puis chuchota aux colonels   :
    —  Voilà bien le problème. Tout ce dont ils se soucient vraiment, c’est leur misérable peau.
    Les protecteurs du peuple, décontenancés, continuèrent à débiter leur message comme des perroquets. Si je renonçais au pouvoir suprême qui m’avait été accordé anticonstitutionnellement, disaient-ils, le Sénat me promettait de me voter les plus grands honneurs qu’un peuple libre pouvait accorder. Mais je devais me mettre sans réserve entre leurs mains. Si, au contraire, j’agissais sans réfléchir et persistais dans mon refus de me rendre au Sénat, on enverrait contre moi les troupes de la garnison et, une fois capturé, je ne devrais espérer aucune pitié.
    Les colonels

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