Claude, empereur malgré lui
après.
Caligula, dès son accession à la monarchie, voulant se montrer plus généreux et doué d’un plus grand sens civique que Tibère, se pencha aussitôt sur les plans de ce dernier, à la fois précis et détaillés. Les débuts furent prometteurs, mais comme son Trésor se vidait, il ne put poursuivre à la même cadence et, interrompant l’exécution des tâches les plus ardues (l’édification des rangs d’arcades superposés destinés à guider le courant à travers plaines et vallées), il assigna à ses ouvriers des besognes plus aisées dans les secteurs où la conduite contournait le flanc de collines ou encore franchissait directement la plaine. Il pouvait ainsi se vanter de progresser toujours de mille en mille, et à peu de frais. Certaines des arcades dont il esquiva la construction auraient dû s’élever à plus de cent pieds de haut. Le premier aqueduc, appelé par la suite Aqua Claudia, devait atteindre plus de quarante-six milles de long, dont dix en surélévation. Le second, appelé le Nouvel Anio, aurait environ cinquante-neuf milles de long, dont près de quinze sur arcades. Lorsque Caligula, en butte à la colère du peuple de Rome, eut si peur de l’émeute amorcée dans l’amphithéâtre qu’il s’enfuit de la ville, il choisit ce prétexte pour abandonner tous les travaux des aqueducs. Les ouvriers des chantiers furent chargés d’autres tâches, par exemple construire son temple ou déblayer des sites à Antium (sa ville natale) pour y bâtir une nouvelle capitale.
Ainsi m’échut le rôle de reprendre le grand ouvrage qui me semblait de toute première importance, là où Caligula l’avait interrompu, même s’il me fallait tout d’abord concentrer mes efforts sur les sections les plus difficiles du trajet. Si vous vous demandez pourquoi le Nouvel Anio, bien que grossi des eaux de l’Herculanien tout près de la naissance de l’Aqua Claudia, devait décrire une vaste courbe au lieu de descendre le long des mêmes arcades, je vous répondrai que le Nouvel Anio, partant d’un niveau beaucoup plus élevé, aurait eu un débit trop rapide s’il avait été amené directement à l’Aqua Claudia. Vitruve recommande une pente d’un demi-pied tous les cent mètres et la hauteur du Nouvel Anio ne permit sa jonction avec l’Aqua Claudia, sur une rangée d’arches surélevées, que tout près de la cité après un détour de treize milles au-delà. Pour assurer la propreté de l’eau, le canal était couvert d’une sorte de toit protecteur avec des prises d’air à intervalles réguliers destinées à en éviter la rupture. De nombreux et vastes réservoirs étaient également prévus où l’eau, filtrée laissait ses résidus sédimentaires. Ces réservoirs jouaient en outre un rôle utile pour l’irrigation et leur prix de revient se trouva ainsi amplement justifié, car ils permirent aux propriétaires terriens des environs de cultiver leurs domaines qui, faute d’arrosage, seraient restés en friche.
Il fallut neuf années pour achever la tâche, mais elle se poursuivit sans aucune interruption ; et l’œuvre, une fois terminée, figurait parmi les principales merveilles de Rome. Les deux canalisations arrivaient dans la cité par la Porte Préneste – le Nouvel Anio au - dessus, l’Aqua Claudia en dessous – où une gigantesque arcade double dut être construite pour enjamber deux routes principales. Elles aboutissaient à une énorme tour d’où l’eau était distribuée à quatre-vingt-douze tours plus petites. Près de cent soixante petits châteaux d’eau équipaient déjà Rome, mais mes deux aqueducs doublaient l’approvisionnement existant. Mon inspecteur des Aqueducs calcula qu’il entrait maintenant à Rome l’équivalent d’une rivière de trente pieds de large et de six pieds de profondeur, s’écoulant à la vitesse de vingt milles à l’heure. Les experts et les simples citoyens déclarèrent tous que mon eau était d’une pureté inégalée, mise à part celle de l’Aqua Marcia, le plus important des aqueducs anciens qui desservait quarante-quatre des châteaux d’eau et existait depuis environ cent soixante-dix ans.
Je me montrai très strict vis-à-vis des irresponsables, voleurs d’eau. Autrefois, avant qu’Agrippa ne révisât avec soin tout le système d’adduction – il construisit deux nouveaux aqueducs, dont l’un en majeure partie souterrain sur la rive gauche du Tibre – les détournements les plus
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