Clio Kelly et l'éveil de la gardienne
de surveiller la créature de rêve que vous êtes…
Clio lui adressa un regard mi-amusé, mi-contrarié ; elle aurait voulu qu’ils parlent sérieusement de l’affaire ; toutefois, il sortait déjà la paire de lunettes de soleil qu’il gardait en toute saison et la plaçait sur son nez. Il ne tarda pas à plonger dans un sommeil profond. Clio resta un long moment à l’observer, les bras croisés sur son ventre. Elle calqua sans même s’en rendre compte sa respiration sur celle de son collègue, ses paupières se fermèrent et elle sombra à son tour.
« Les ailes noires, les ailes blanches... »
Ces mots résonnèrent autour d’elle, dans le froid et les ténèbres. Ses yeux s’ouvrirent. Tout n'était que noirceur. Clio flottait dans le vide, comme suspendue par des fils invisibles...
— Où suis-je ?
Un craquement sinistre retentit ; l'impression que du verre se brisait. Puis le noir se dissipa et céda la place à de vives couleurs. Soudain, elle se retrouva au sommet d'une falaise, en compagnie d'un homme qui contemplait l'horizon depuis le bord du précipice. Il ne la voyait pas, si bien qu'elle pouvait l'observer à loisir. De haute stature, il possédait une longue chevelure d'un blanc neigeux arrivant jusqu'à ses chevilles, que le vent soulevait. Clio fut aussitôt frappée par la pureté de ses traits, d'une harmonie presque irréelle. Son visage était un véritable masque de pierre, son nez aurait pu passer pour le bec d’un aigle, les pommettes étaient saillantes, le menton, volontaire.
La dureté et la froideur qui émanaient de son regard gris choquèrent Clio. Elle aperçut ensuite les deux immenses ailes, qui dans son dos, s’élevaient vers le ciel. L’une était du même blanc que sa chevelure et l’autre d’un noir aussi intense que la nuit. Puis il tourna la tête vers elle, et son expression impassible s'envola ; un fin sourire étira ses lèvres.
— Te voilà enfin, j’ai eu peur que tu ne viennes plus…
— Rien n’aurait pu me retenir, répondit une voix de femme derrière Clio.
L'homme ouvrit les pans de la cape lui couvrant le corps, dévoilant ainsi une musculature parfaite sous l'armure qu'il portait. Il écarta les bras. La femme s'avança alors, traversant Clio pour aller se jeter dans les bras de l'ange ; ils échangèrent un baiser passionné. Clio assistait à la scène, stupéfiée. On ne la voyait pas, elle avait la même consistance qu'un fantôme.
— Qu’est-il arrivé à tes ailes ? s’inquiéta la femme lorsqu’il libéra ses lèvres. Pourquoi sont-elles devenues noires et blanches ?
— Ne t’inquiètes pas mon amour, tenta-t-il de la rassurer en la ramenant contre lui. Je t’aime tellement.
— Les dieux sont inquiets, j’entends mes sœurs. Une guerre se prépare. J’ai peur pour toi.
— Tu n’as aucune raison d’avoir peur, mon souffle de vie.
— Arrête de me couver comme si j’étais une enfant ! Je sais que tu vas y participer ! Pour l’amour de Zeus, pourquoi avoir quitté les anges pour rejoindre la déesse céleste ? C’est pour cette raison que tes ailes sont devenues ainsi !
Clio, à quelques pas en retrait, tressaillit lorsqu'il repoussa sa compagne avec violence ; elle en eut un frisson. Déjà, il se tournait de nouveau vers l'horizon et reprenait son attitude glaciale. La femme revint vers lui, lui effleura un bras.
— Je t’en prie, G...
— Si j’ai fait ça, c’est pour nous ! l’interrompit-il sèchement. C’est pour toi, Clio ! Toi qui es une Muse ! Une déesse ! Une ennemie ! J’en ai assez de devoir cacher notre amour !
Clio ? Cette femme ? Moi ?
À présent, Clio ne comprenait plus rien. Elle observait, immobile et impuissante, les mains de l'ange se refermer sans douceur autour des épaules de celle qu'il venait de désigner comme Muse, l'attirer à lui avec brutalité en lui arrachant un cri. Il l'embrassa avec une telle sauvagerie que du sang roula sur son menton.
— Je veux t’aimer aux yeux de tous ! Sans avoir à nous cacher, je veux te faire l’amour sans me dire à chaque fois que nous sommes des traîtres auprès des nôtres ! Avec la déesse céleste, tout devient possible !
L'ange raffermit sa prise sur sa compagne, laissa une main descendre le long de la fine robe de soie puis releva le tissu, se frayant ainsi un passage. Une seconde plus tard, il était en elle. Les yeux clos, les doigts crispés sur les bras de l'ange, la Muse enfouit son visage
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