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Comment vivaient nos ancêtres

Comment vivaient nos ancêtres

Titel: Comment vivaient nos ancêtres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Louis Beaucarnot
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nivôse. Personne ne s’y trompe, janvier est toujours associé au froid et l’on ne s’en plaint pas car :
    Mieux vaut voleur dans un grenier
que du beau temps en janvier.
    Les sports d’hiver n’existent pas, il faudra du temps et des vacances pour leur permettre de triompher. Lorsque, dans les années 1860-1870, un jeune Norvégien du nom de Nansen décide de traverser le Groenland à skis, les journalistes du monde entier se gaussent. « On peut d’ores et déjà, écrit l’un d’eux ironiquement, retenir ses places pour assister, assis sur un glacier, au passage du sportif. Les réservations pour le retour ne semblent pas s’imposer. » Et pourtant Nansen revient. Dès lors le ski commence sa longue aventure. Il pose bien des problèmes aux femmes et aux curés. Celui de Sarcenas, en Dauphiné, est violemment réprimandé par son évêque en 1906 pour avoir fait du ski et être ainsi tombé, soutane relevée ! Quant aux femmes intrépides qui y goûtent, on leur conseille de porter « une culotte de drap avec ou sans jupe, en supprimant les jupes de dessous remplacées par une combinaison ». Peu, cependant, osent se mettre en pantalon. Tout au plus revêtent-elles la jupe par-dessus la culotte. Quant aux cheveux, alors toujours longs, il serait indécent de ne pas les cacher sous un chapeau, au risque de le voir s’envoler au cours d’une descente. Finalement la consécration du ski n’arrive que très tardivement, à une époque qui n’est déjà plus celle qui nous intéresse ici.
    En revanche, les glissades sur glace, avec ou sans patins, sont un exercice très apprécié depuis des siècles. Il n’est qu’à songer aux tableaux de Breughel ou au Roman de Renart pour s’en convaincre. C’est aussi en janvier que l’on pense à conserver la glace, comme le rapporte Jean-François Baqué en 1640, à propos d’un petit village du bas Languedoc. « Comme il n’est pas question, explique l’auteur, de faire venir ici de la glace par bateau depuis les montagnes du Dauphiné, comme on le faisait pour la foire de Beaucaire, il fallait conserver dans une glacière celle ramassée durant l’hiver. » Le stockage se fait alors dans une pièce souterraine voûtée. « Le remplissage commença le 10 janvier et se poursuivit les 3,4 et 5 février. Il fallut pour ce faire 76 journées de mules et 80 journées d’hommes. » Pour une fois, la glace est l’amie de l’homme, il n’en va pas toujours ainsi.
    En ce temps-là il n’y a déjà plus de saisons ! À qui la faute ? Les scientifiques ne peuvent évidemment invoquer les avions ou, plus sérieusement, la pollution de la haute atmosphère par les trop fortes quantités d’énergie nucléaire ou industrielle. Timidement, ils songent à certaines irruptions volcaniques… Quoi qu’il en soit, on n’en finirait pas de citer les années d’étés pourris ou d’hivers exceptionnellement doux. En 1316, en 1675, en 1816, tous les habitants de l’Europe passent l’été au coin du feu, à l’abri de la pluie et de la froidure. Or en ce temps de régime économique primitif, lorsque chacun et chaque région vit en complète autarcie, la disette, quand ce n’est pas la famine, est souvent la conséquence inévitable de telles errances météorologiques.
    Le plus dur de tous les hivers a apparemment été celui de 1709, que nos ancêtres ont d’ailleurs appelé « le grand hiver ». Laissons à Messire Jorhant, curé d’Êtrelles en Ille-et-Vilaine, le soin de le raconter : « Le sixième jour janvier, jour des Roys 1709, vers les deux heures et demie d’après-midi, il commença un froid terrible par un vent du haut, et continua pendant dix-huit jours de suite, la terre étant couverte de neige, ce qui consternait les blasteries [les blés semés en automne]. » À Paris, le thermomètre descend à –23° C et reste plus d’une semaine au-dessous de –20° C. Un témoin, près de Poissy, raconte que « les arbres dans les forêts pétaient comme des coups de fusil » en se fendant sous l’action du gel. Le bétail, lui aussi, a froid. Les oiseaux meurent dans les haies. En Anjou, on raconte que la crête des coqs tombe ! À Versailles, le château étant inchauffable, un page a une main gelée et l’on envisage de lui couper les doigts.
    Lorsque arrive le dégel, la neige fond et chacun reprend espoir, mais un second gel, survenant fin janvier, suivi d’autres en février achève de ruiner la nature tout entière.

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