Comment vivaient nos ancêtres
que l’on va personnellement informer du décès de leur maître et qui sont censées respecter le deuil familial en s’abstenant de butiner les jours suivants.
Les animaux sont d’ailleurs à ce point associés aux hommes que, longtemps, l’on n’hésite pas à leur intenter des procès aussi spectaculaires que ridicules. Le Dictionnaire de la bêtise en cite différents exemples, du XII e au XVI e siècle, que je ne résiste pas au plaisir de reprendre. À tout moment, des animaux nuisibles sont condamnés – et excommuniés en bonne et due forme – pour avoir détruit les récoltes. On relève des cas de procès faits ainsi aux mulots, aux charançons, aux sauterelles, aux chenilles même. En 1590, le juge d’un canton auvergnat leur fait nommer un curateur en les enjoignant de se retirer dans un « petit terrain pour y finir leur misérable vie », alors que cinq ans plus tôt le grand vicaire de Valence les a déjà condamnées à quitter son diocèse.
En 1474, un magistrat bâlois condamne un coq à être brûlé vif pour avoir commis un acte contre nature – la ponte d’un œuf ! – et en 1551, à Genève, les sangsues sont accusées d’avoir détruit les poissons du lac.
On ne compte plus les truies ou les taureaux conduits au gibet pour y être pendus haut et court, pour avoir meurtri quelque innocent humain. En 1497, une truie est ainsi condamnée pour avoir mangé le menton d’un enfant du village de Charonne (alors en banlieue parisienne). La sentence est assortie d’une peine pour ses maîtres qui doivent faire un pèlerinage à Notre-Dame-de-Pontoise pour la fête de la Pentecôte, y crier « merci » (c’est-à-dire « grâce, pardon ») et en rapporter un certificat l’attestant.
On agit de même avec les animaux féroces, notamment les ours tant redoutés en montagne, et les loups. Plusieurs noms de lieux, en France, témoignent encore de ces exécutions solennelles : « Loupendu », le « Penloup » (origine du nom de Mgr Dupanloup). Et, de fait, les registres paroissiaux des siècles anciens signalent fréquemment des enfants enlevés ou dévorés par les loups, sans oublier les bêtes pharamines comme celle qui terrorise le Gévaudan à la veille de la Révolution. Mais avec les loups et ces autres bêtes féroces, l’on quitte déjà le décor de premier plan pour aborder l’inconnu, le monde étranger qui alors commence à quelques lieues de chez soi.
« BATEAU-STOP » ET BRICOLAGE :
OÙ ÉTAIT DONC « BISON FUTÉ » ?
Sur les routes, sur cet écheveau inextricable de chemins et de traverses de l’ancienne France, de ces chemins défoncés et boueux, entrecoupés d’octrois, de péages et de contrôles, à travers bois, par les gués et sur les ponts, en charrettes et le plus souvent à pied se déplace à longueur de temps, dans cette France de sédentaires et d’enracinés, toute une foule grouillante. Faute d’autoroutes, les plus pressés ou ceux qui font de plus longs voyages peuvent emprunter les fleuves et les rivières navigables qui en tiennent alors lieu. Es font ce que l’on peut appeler du « bateau-stop » auprès des nombreux coches d’eau et mariniers qui transportent toutes sortes de chargements, charbons, vins, pommes, chanvre, etc., et qui acceptent de les prendre pour une étape. Ces gens de l’eau parlent « charabias » ou « chalandoux » et nos voyageurs souvent leur patois local ou leur dialecte régional, car, jusqu’à l’uniformisation linguistique née de l’école de Jules Ferry, de nombreuses régions de France ne parlent guère le français. En 1863 encore, une enquête montre qu’un tiers des départements ne le parle pratiquement pas. La Bretagne et l’Alsace-Lorraine en font naturellement partie, mais également le Languedoc, le Quercy, les Landes, le Limousin, la Provence, le comté de Nice, la Corse… Sur le territoire national, il existe souvent mille mots différents pour désigner un même objet. Et ces divergences ont la vie dure puisque, encore aujourd’hui, Henriette Walter a recensé dans tout le pays une bonne vingtaine d’appellations pour la serpillière (patte, torchon de plancher, loque à reloqueter, wassingue, lave-pont, guenille, pièce de parterie, etc.) et au moins autant pour l’action de « touiller », « remuer », « fatiguer » ou « brasser » la salade. Il existe des dénominateurs communs tels que l’article très fréquent employé devant les prénoms :
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