Comment vivaient nos ancêtres
contre la rigueur du temps car, même en plein été, le bébé risque de prendre froid – on dit alors que « poulet et bébé ont toujours froid » –; de plus, il permet de porter facilement l’enfant.
La toute première enfance se passe dans un berceau, à condition que la famille en possède un. Jusqu’au XVIII e siècle, en milieu populaire, c’est tout au mieux un tronc creusé où l’enfant tient à peine en largeur, nouvelle précaution pour bien diriger la croissance du corps. Au XIX e , on voit apparaître les berceaux à patins, permettant de balancer l’enfant en lui chantant quelque berceuse, selon la mode et la région, comme la fameuse « canchon dormoise » du P’tit Quinquin dans le Nord. Lorsque la famille n’a pas de berceau, il dort bien souvent avec la mère, voire les deux parents ou un des grands-parents. Pour éviter qu’il ne soit étouffé, certains parents prennent la précaution de dormir tête-bêche lorsqu’ils ont l’enfant avec eux.
Dans la journée, l’enfant voit du pays. Sa mère l’emporte fréquemment aux champs dans une hotte, sur son dos, voire dans un de ces « bissacs », où l’on peut en transporter deux en même temps. Mais il lui arrive aussi d’être enfourné dans une espèce de sac ou de boîte suspendu au mur en l’absence de la mère et nombre de nourrices sont accusées de laisser ainsi des enfants des heures entières. Le suspendre en hauteur présente ici l’avantage de protéger l’enfant des divers animaux, chats, chiens, poules, cochons qui ont à tout moment accès à la maison et risquent de lui causer bien des torts.
Pendant une année entière, l’enfant reste donc immobile, sans que l’on s’occupe beaucoup de lui ou qu’on lui offre quelque jouet, si ce n’est, à l’extrême limite, un hochet fait d’une mie de pain séchée dans une coquille de noix. Sa mère ou sa nourrice l’allaite selon qu’il réclame et où qu’elle se trouve, aux champs comme à la maison. Le sevrage commence à la poussée des dents. La nourrice s’enduit généralement les seins d’une pâte imprégnée de moutarde ou de poivre, pour lui en faire passer le goût et mange force persil afin de tarir son lait. Parallèlement, elle l’habitue aux bouillies puis passe très vite au pain, car la graisse au menton, gage de bonne santé chez le nourrisson, est donc affaire d’honneur pour toute mère qui se respecte.
Mais encore faut-il que l’enfant soit parvenu à ce stade. Au XVIII e siècle, un enfant sur quatre meurt avant l’âge d’un an. Les progrès seront lents puisqu’on estime qu’en 1880 encore 17 pour 100 des bébés meurent avant leur premier anniversaire. Outre les négligences et les accidents déjà vus à propos des nourrices – bébés étouffés, morts de froid, etc. – d’autres menaces pèsent alors sur le jeune enfant : il peut se brûler ou se noyer malgré la peur du feu et de l’eau qui lui est inculquée à grand renfort de croque-mitaines en tout genre. Il y a aussi un manque d’hygiène évident. Les enfants vivent avec des poux, censés attirer à l’extérieur les humeurs vicieuses et boire les mauvais sangs. Le bonnet remis le jour du baptême et imprégné au saint chrême reste sur la tête des semaines durant, et plus tard les cheveux ne sont jamais coupés avant l’âge de cinq ou six ans. Lorsqu’au XIX e siècle on commence à pratiquer l’allaitement artificiel, les tétines des premiers biberons (en verre ou en porcelaine) ne sont bien sûr jamais lavées. On se défend mal des différentes maladies. Contre la teigne, par exemple, on ne sait qu’étendre de la cire tiède sur le crâne. Enfin, les risques d’épidémies contre lesquelles la médecine n’a pas de remède sont innombrables. La variole fait des ravages chez les enfants de un à quatre ans jusqu’à la diffusion de la vaccination de Jenner au XIX e siècle. La rougeole entraîne souvent des complications fatales. Les troubles digestifs, les diarrhées peuvent être mortels. Le rachitisme est fréquent et occasionne des carences dramatiques, pour n’être soigné qu’au début du XX e siècle par des débauches d’huile de foie de morue. Quant à la diphtérie et au croup – nom donné à l’une de ses étapes – ils provoquent régulièrement des hécatombes infantiles.
Pour conjurer les maladies, l’enfant porte des talismans : chapelets d’ail, graines de pivoine rouge que l’on a soin, pour combattre
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