Comment vivaient nos ancêtres
permettant de faire face aux forces conservatrices et concurrentielles représentées par l’église et le château. En réglementant et en prolongeant l’obligation scolaire en France, Ferry assied définitivement la République.
Premier élément de ce nouvel arsenal : le ou les bâtiments scolaires. Garçons et filles ne sauraient être mélangés ou avoir des professeurs d’un autre sexe. L’école se construit attenante à la mairie. La lutte entre le curé et l’instituteur commence. L’instituteur, souvent secrétaire de mairie imprégné des idées républicaines, tient à donner une image de dignité à sa fonction et manifeste son anticléricalisme.
Deuxième élément : le décor et les objets. Tableaux noirs, pupitres, plumiers personnalisés et plumes sergent-major ou lance, bonnets d’âne, bons points et images, lignes à copier en punition, retenues, deviennent le lot quotidien de tous les enfants.
Troisième élément : l’enseignement. Toujours un peu abstrait pour bien des élèves, les programmes restent lourds et les auteurs de manuels s’encombrent peu de psychologie enfantine. Le « par cœur » reste considéré comme la meilleure et la seule méthode. Il en va autrement pour les livres de lecture, le plus célèbre, le fameux Tour de France de deux enfants , est vendu à plus de six millions d’exemplaires entre 1877 et 1961. Il martèle inconsciemment les valeurs républicaines dans les cerveaux des petits Français. Les héros, André et Julien, sont deux jeunes enfants d’Alsace-Lorraine, province perdue à cause d’un tyran, que la carte de France, accrochée au mur de chaque école représente en violet, couleur de deuil. Tous deux quittent Phalsbourg pour visiter la France décrite comme une nation belle et forte, prête à prendre sa revanche sur les Prussiens. De ville en ville, ils apprennent à reconnaître les vertus de la République et les réalisations industrielles comme l’énorme marteau-pilon de M. Schneider au Creusot. L’un des enfants est athée et l’autre déiste, ce qui leur permet d’utiles conclusions sur les spectacles qu’Us rencontrent. La morale est omniprésente, à une époque où des heures entières lui sont réservées dans les programmes.
À bien des égards, l’institution scolaire est un providentiel outil de propagande pour la République. Grâce à l’école, une même langue est parlée partout. Le glas des patois et des dialectes a sonné. L’instituteur met parfois au point un système draconien. Le premier élève surpris à employer un mot local est réprimandé et reçoit sur son bureau en guise de punition un morceau de bois, un vieux chiffon ou une simple pomme. Cet objet, c’est « la honte ». Au cours de la journée, l’objet, au fil des fautes, passe d’un pupitre à un autre. Sera puni, le soir, l’élève sur le bureau duquel il se trouvera à l’heure de la sortie. C’est ainsi que l’habitude de parler la langue de ses pères a peu à peu disparu. Mais comment faire autrement, si l’on veut que le tous les habitants du pays parlent enfin la même langue et, compte tenu de l’importance de l’alphabétisation et de l’enseignement primaire d’alors, n’est-ce pas aussi une façon d’assurer une certaine « égalité des chances » ?
On ne peut enfin terminer ce chapitre sur l’école sans évoquer la très officielle cérémonie de la distribution des prix. Autrefois, elle avait servi à attribuer des places d’honneur à la messe et consistait, bien souvent, en de simples concours de rhétorique qui se déroulaient en public le jour très capétien de la Saint-Louis. À l’école républicaine, elle est le point culminant de l’année scolaire, la consécration des efforts et du zèle de l’élève. Le maire et la municipalité au grand complet y assistent, avec tous les flonflons possibles, à commencer par ceux de l’orphéon lorsque la commune en compte un, qui, pour chaque prix d’honneur, joue quelques accords de quadrille ou de marche militaire. Ce grand jour suit et entérine l’indispensable certificat d’études, avec ses inévitables problèmes de robinets et de trains qui se rattrapent ou se croisent. Les vacances d’été commençant le 1 er puis le 15 juillet – l’année scolaire démarrant au 1 er octobre –, la distribution des prix forme alors avec le 14 juillet deux jours de fêtes en l’honneur de la République, deux jours de fêtes publiques
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