Comment vivaient nos ancêtres
les villes, particulièrement dans les métiers du tissage dans le Nord ou le Lyonnais au XVIII e siècle, puis dans les mines ou les centres métallurgiques au XIX e – voici les galibots de Zola –, ou le travail de main-d’œuvre à la campagne, grossissant la population des nombreux journaliers, manœuvriers, brassiers, comme on les appelle selon les régions.
Pour trouver un travail dans une ferme, il suffit d’aller à la louée, sorte de foire aux domestiques où les candidats peuvent trouver un employeur. Traditionnellement, il s’en tient deux par an. La première, à la Saint-Jean ou à la Saint-Bamabé, propose un louage pour les moissons et les labours d’automne. La seconde, à la Saint-Michel fin septembre ou à la Saint-Martin le 11 novembre, permet de se louer à l’année. Ce sont en général de véritables fêtes, qui valent souvent trois jours chômés, avec bals, jeux et déballages des camelots. Selon les régions, le garçon à louer se signale par un épi de blé à son chapeau ou à sa blouse, une branche de noyer ou une feuille de châtaigner. Certains annoncent également leur spécialité : le charretier porte un fouet autour du cou, le farinier un sac vide, le berger une touffe de laine. Les filles, elles, candidates servantes dans les fermes, ont un bouquet de fleurs à leur corsage, ou tout simplement une rose.
Le maître à la recherche d’un valet accoste celui qui lui plaît, tenant compte évidemment de la force physique que promettent ses bras ou son dos. On discute les gages jamais très élevés – pour ne pas dire symboliques –, les avantages en nature : hébergement, repas, voire paires de bas ou de chaussettes fournies par le maître, et quelques jours de congés, nommés estives ou hyvernes dans certains pays de langue d’oc. Marché conclu, le maître offre un repas ou une chopine au garçon qui s’intégrera bientôt dans la hiérarchie des domestiques de la ferme : berger, valet, premier valet, charretier.
Les filles qui ne se louent pas aident leur mère aux travaux des femmes : jardinage, basses-cours. Le reste de leur temps est mis à profit pour préparer et broder leur trousseau de mariage qui compte tant de pièces qu’il faut plusieurs années pour le confectionner.
À seize ans, filles et garçons entrent complètement dans le monde des adultes. Ils peuvent désormais participer aux noces, aux danses, aux fêtes comme celle des mais ou de la Saint-Jean. Les garçons accèdent à un certain nombre de jeux : en Savoie, ils ne peuvent jouer aux quilles qu’à partir de cet âge. Ils rejoignent également les diverses assemblées de jeunes gens, bachelleries en Poitou et en Berry – on retrouve le « bachelor » anglais, désignant le célibataire –, bravades en Provence et en comté de Nice, pabordes en Roussillon, etc. Ils ont fait leurs preuves au plan professionnel. À cet âge, certains sont déjà en train de faire leur tour de France. Il leur reste à prouver leur virilité. Il y a bien les bonnes bagarres entre troupes de paroisses voisines et rivales, les chansons paillardes chantées à tue-tête au cours des charivaris, les mille occasions de la vie quotidienne de démontrer sa force physique, mais il demeure au-dessus de tout cela une occasion privilégiée et qui semble taillée sur mesure à cet effet : l’heure d’être conscrit a sonné.
« AVIS À LA BELLE JEUNESSE » :
LE TEMPS DE FANFAN LA TULIPE
Un verre, ça va. Deux verres, bonjour les drapeaux ! aurait-on pu dire sous Louis XV. En ce temps-là, l’entrée dans l’armée est une bien curieuse aventure qui passe souvent par le cabaret.
À côté de milices et de troupes régionales tirées au sort de façon assez arbitraire, l’armée est principalement fournie en hommes par des personnages hauts en couleur : les sergents recruteurs. À Paris, ils arpentent en permanence le quai de la Ferraille ou de la Mégisserie, battant le pavé, précédés d’un tambour, pour dénicher les paysans ou les vignerons de passage et les dégoûter de leur état. Ils placardent aux murs ce qui sera la première affiche publicitaire de l’histoire : « Avis à la belle jeunesse ».
En général, les affaires ne marchent pas trop mal. Paris et les autres villes du royaume abritent suffisamment de marginaux pour que nos hommes fassent des recrues. D’autant qu’ils savent promettre à tous ceux qui sauraient leur procurer de beaux gars de généreuses
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