Complots et cabales
bien trop vaniteux pour le lui abandonner, et ses conseillers, certes, ne l'y pousseront pas. Mais laissons, de gr‚ce, ces bas et peu rago˚tants rêves de mort. En dépit de tous les horoscopes, Louis se porte comme un charme.
Sa mère reclose en Compiègne, Louis n'en a pas pour autant fini avec sa terrible famille. Car Gaston, sous le prétexte vertueux de libérer sa mère, a levé des troupes avec le million d'or en bijoux qu'elle lui a donné, et s'est installé àOrléans qu'il commence à fortifier. Et qui pis est, il a appelé à le rejoindre des gentilshommes de grande maison dont quatre ont déjà répondu à son appel: le duc d'Elbeuf, le duc de Bellegarde, le duc de Roannez, et le comte de Moret, fils naturel légitimé d'Henri IV Lecteur, ne vous y trompez pas. Ce ne sont pas là des chevaliers au coeur tendre que la captivité de la reine-mère laisse déconsolés, mais d'avisés et rusés seigneurs qui misent sur la proche mort de Louis et sur la montante étoile de Gaston, héritier présomptif du trône de France, puisque la reine n'a toujours pas de dauphin.
quant à Gaston, son entreprise n'est que futile gesticulation. S'il voulait vraiment libérer sa mère à Compiègne, il aurait pris position au nord de Paris et non au sud. Louis ne s'y trompe pas et, dès qu'il a quitté
Compiègne, marche droit
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sur Orléans à la tête de son armée. La réaction de Gaston ne se fait pas attendre. ¿ la tête de ses soldats-bijoux - trop précieux pour qu'on les gaspille - et flanqué de ses ducs peu désintéressés, il fuit, et à marches forcées gagne Besançon, propriété alors de l'Espagne. Mais, même là, il ne se sent pas tout à fait à l'abri, ni tout à fait en bonne estime, les Espagnols - qui sont les meilleurs fantassins du monde - regardant de haut ce fils de roi qui lève une armée pour ne pas se battre. Gaston passe alors en Lorraine, o˘ le duc, dont il est le meilleur atout contre la France, le traite avec amitié. Sa puérile épopée est finie. Mais elle ne l'est pas aux yeux de Louis. Connaissant depuis belle heurette les pantalonnades de Gaston, ce n'est pas là ce qui le poigne, mais qu'il ait réussi à entraîner avec lui quatre grands seigneurs. Il y avait là le début redoutable d'une coalition de grands féodaux qui, aux quatre coins de la France, pouvaient se dresser un jour contre le pouvoir royal. Aussitôt, Louis réagit et rédige contre les quatre félons, si je puis me permettre de les nommer ainsi - le duc d'Elbeuf, le duc de Bellegarde, le duc de Roannez, et le comte de Moret (auquel il ajoute les conseillers de Gaston, Le Coigneux et Puylaurens) -, une déclaration o˘ il les accuse d'être criminels de lèsemajesté au premier chef.
- Pourquoi au premier chef, mon ami ? Y a-t-il un crime de lèse-majesté au deuxième chef ?
- Est-ce vous, belle lectrice ?
- Ne m'avez-vous pas donné, Monsieur, licence de vous interrompre pour vous poser question ou dois-je m'effacer tout à plein devant la duchesse d'Orbieu ?
- En aucune façon. Le crime de lèse-majesté au premier chef ne concerne que la personne du roi. Le crime de lèsemajesté au second chef vise les complots contre les ministres, les maréchaux et les gouverneurs de province.
- Tout cela est bel et bon. Mais pourquoi condamner les comparses de Gaston, et non pas Gaston lui-même ?
- Madame, comment condamner l'héritier du trône ? Le roi régnant peut-il porter atteinte à sa propre lignée ? que deviendrait la dynastie ?
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- Une question encore, Monsieur. L'accusation de lèsemajesté au premier chef implique, je suppose, la mise à mort.
- Bien pis que cela, Madame ! Car après la mort, on peut vous infliger l'anéantissement de votre nom et de votre blason, la confiscation de tous vos biens, le rasement de vos maisons et ch‚teaux, l'incendie au moins partiel de vos forêts et, qui pis est, le refus d'une chrétienne sépulture, et la destruction par le feu de votre aimable petit corps.
- Comment, Monsieur, vous vous ramentez mon "aimable petit corps
>, alors que sur le moment vous m'avez rabrouée vertement pour m'être exprimée ainsi. ¿ ce que je vois, une femme a toujours raison d'être coquette : il en reste toujours quelque chose.
- Il m'en reste une jolie expression, Madame, et rien de plus. Belle lectrice, avez-vous autre question à me poser ?
- Eh quoi, Monsieur! Suis-je jà congédiée ?
- Nenni! Mais ne dois-je pas poursuivre mon récit ?
- Pour en revenir à
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