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Confessions d'un enfant de La Chapelle

Confessions d'un enfant de La Chapelle

Titel: Confessions d'un enfant de La Chapelle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert Simonin
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secourues ? Avec un peu de recul et en dépit de la quinzaine qui allait m’être casquée sans contrepartie d’efforts, mon procédé à l’égard de ces Ritals, un temps estimés, m’apparaissait manquer de loyauté. Oh, cette pensée ne faisait que m’effleurer. De l’inépuisable réserve d’indulgence pour ses propres fautes dont chaque être dispose, et je n’en étais pas dépourvu, d’apaisants arguments venaient à la rescousse. Les grossièretés et les outrages, c’étaient ces tordus qui les premiers m’en avaient accablés ! La manœuvre de ces quatre zouaves pour me faire endosser l’entière responsabilité de l’accident, c’était rien d’autre que de la coalition ritale contre le pauvre petit Franchouillard mineur !… Jusqu’aux mignardises, giries et bons procédés des premiers jours dans cette équipe me devenaient suspects. Ce devait être une façon toute florentine d’envelopper le cave, un procédé hérité des Borgia ! À l’épreuve, je devais entraver n’avoir jamais été intégré à leur clan, simplement toléré en tant que tireur de charrette, gamin-cheval !… Leur façon de jacter devant moi dans leur langue, dont je n’entravais pas une broque, me paraissait sur ce point la meilleure des preuves.
    Comme on peut en juger, je n’étais pas infirme pour me trouver des justifications de mauvaise foi. La vie devait m’enseigner qu’il ne s’agissait pas d’un comportement personnel, mais que le plus grand nombre de mes contemporains s’assuraient la paix de l’esprit en se donnant l’absolution plénière pour des actes, des projets, des pensées, les plus contestables, quelque dommage qu’ils aient pu causer à autrui. Au train où vont les choses, le mot « remords » n’a plus longtemps à figurer dans le vocabulaire français.
    *
    J’aurais, bien sûr, cabriolant au haut du toit, fort bien pu amorcer un vol plané, et me retrouver les abattis en capilotade sur le pavé de la cour. Cet avaro m’ayant été épargné, les jours qui suivirent m’inclinèrent à la réflexion. S’agissait-il pas d’un avertissement du sort ? d’une mise en garde en forme de présage, m’intimant d’avoir à proscrire les travaux de force ? Mon corps, en ce cas, souscrivait pleinement à la suggestion, muscles et articulations unanimes à protester contre l’ankylose par des vagues inattendues de douleurs fulgurantes, façon coups de poignard. J’en bavais comme un Russe, ainsi qu’on disait alors. La quinzaine de repos ordonnée par le médecin, je me sentais tout à fait en mesure de l’écouler en père peinard. La vape s’épaississant en décida différemment. Notre père, déjà mal en point, commençait à s’affaiblir sous l’effet de son régime. Depuis un bout de temps déjà le pauvre homme flottait dans ses fringues, et depuis peu l’escalade de nos quatre étages lui était devenue un supplice. Un arrêt à chaque palier lui était nécessaire pour reprendre son souffle. Il en perdait toute curiosité pour l’extérieur et se défiait de l’escalier. Mon frangin André s’alarmait d’une dégradation aussi rapide de la santé paternelle ; il apparaissait plus fréquemment, porteur de nourritures qu’il savait avoir été un régal pour notre père, telles que pâté en croûte, quenelles de brochet, chipolatas de veau. Dans l’espoir de secouer son apathie, et de lui faire quitter la maison, André proposait une partie de billard en cent points, mais il était rare que notre auteur réponde au défi, quel que fût son plaisir de briller à un jeu où il s’était montré habile. Le pauvre vieux papa se désintéressait vraiment de tout, au point même de ne plus lire, et d’à peine nous parler. Mes quinze jours de repos furent consacrés aux corvées pouvant rendre à notre père son état à peu près supportable ; à savoir l’alimentation en eau, tirée à la fontaine à mi-étage, l’évacuation des eaux de toilette, du seau hygiénique – l’infortuné n’osant plus se rendre aux tartisses – sans oublier commissions, cuisine sommaire et vaisselle. Un train-train sordide et écœurant, dont vint me délivrer à temps la petite sœur de Saint-Vincent-de-Paul déjà dévouée à ma mère. Ma période de repos payé expirait, et j’allais devoir repartir à la chasse d’un turbin qui ne fut pas, je me l’étais juré, bassement axé sur les biscottos. Le coletin d’athlète, j’estimais lui avoir largement

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