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Consolation pour un pécheur

Consolation pour un pécheur

Titel: Consolation pour un pécheur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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en éprouve ?
    — Nullement, elle est en permanence lovée dans mes entrailles. En temps normal elle sommeille, mais elle peut se réveiller et frapper sans prévenir : je suis alors doublement aveugle, car elle annihile mes autres sens et ma raison. J’en connais les dangers, maître Shaltiel, et l’odeur. Je vous laisse ces préparations. Vous pouvez les prendre ou non, à votre gré.
    Sur ce, le médecin se retourna et se dirigea vers la sortie.
    — Attention à votre tête, murmura Yusuf.
    Et Isaac se pencha pour passer sous le linteau.
     
    — La colère est-elle si néfaste, seigneur ? lui demanda le jeune garçon une fois dans la rue. Je croyais que, dans le cadre d’une juste cause, la colère était une bonne chose.
    — Toi-même as pu en voir les dangers, Yusuf.
    — Que le philosophe refuse de prendre médecine ?
    — Non, que ma colère devant son obstination me fasse oublier à quel point sont petites les portes de sa maison. Si tu ne m’avais prévenu à temps, j’aurais maintenant la tête fendue. Ne parle pas de cela à ta maîtresse, ajouta-t-il. Je ne veux pas l’alarmer.
    — Non, seigneur.
     
    — Isaac, vous n’avez presque rien mangé, lui dit Judith d’une voix chargée d’inquiétude. Qu’y a-t-il ? Êtes-vous malade ?
    — Non, ma mie, je me sens très bien. La chaleur a émoussé mon appétit, je le reconnais, mais rien d’autre ne me trouble.
    — Vous êtes soucieux, insista sa femme.
    — Je suis d’humeur et de santé excellentes. Du moins l’étais-je il y a encore un instant.
    — Vous vous faites du souci, papa ? demanda Miriam. Pourquoi ?
    — En aucun cas, lui répondit-il assez vivement. Sauf que tu consacres une trop grande partie de ta vie à écouter la conversation d’autrui au lieu de vaquer à tes propres affaires.
    Ainsi réprimandée, Miriam pencha la tête vers son assiette et joua sans conviction avec son quignon de pain, qu’elle émietta et lança aux oiseaux.
    — Miriam, lui dit sa mère, le pain, cela se mange, ce n’est pas fait pour…
    Tous furent sauvés par le tintement de la cloche. Yusuf quitta son banc et courut ouvrir le portail afin de laisser entrer une grande femme, lourdement voilée et porteuse d’une respectable tenue de deuil.
    — Puis-je parler au médecin ? demanda-t-elle à voix basse en demeurant près du portail.
    — Raquel, Miriam, aidez Naomi à débarrasser la table, dit Judith.
    Elle se leva et reconnut que le dîner était terminé, malgré toute la nourriture restée intacte.
    — Il y a encore beaucoup à faire pour ce soir et Naomi n’y arrivera pas toute seule. Allez !
    La table fut rapidement débarrassée et portée sur le côté de la cour. Judith suivit ses deux filles dans la cuisine afin d’aider aux préparatifs du shabbat.
     
    — Quelqu’un est souffrant, maîtresse ? demanda Isaac. Prendre mes paniers ne me demandera qu’un instant et je…
    — Non, maître Isaac, personne n’est malade, répondit-elle d’un air gêné. J’aimerais vous parler, c’est tout.
    — Dans ce cas, venez près de la fontaine et nous converserons. Désirez-vous boire quelque chose ? Il fait chaud et vous avez marché.
    — Si vous pouviez me donner un peu d’eau. Rien d’autre.
    Yusuf s’empressa de tirer de l’eau fraîche à la fontaine.
    — Merci, murmura-t-elle.
    Elle ôta son long voile pour boire. La belle étoffe fine qui dissimulait ses cheveux, ses traits et la partie supérieure de sa robe avait masqué une belle femme, robuste et large d’épaules, aux yeux sombres et au teint un peu rougeaud. En apercevant son visage dévoilé, Yusuf fit malgré lui un pas en arrière.
    Il la connaissait bien – peut-être mieux qu’elle ne le connaissait. Pauvre et vêtu de haillons, à l’époque où il tentait de subsister dans les rues de Gérone, il avait plus d’une fois chipé un morceau de pain dans la cuisine de son établissement.
    — Mère Rodrigue, fit-il d’une voix tremblante, persuadé qu’elle venait lui faire payer ses crimes.
    — C’est ainsi qu’on m’appelle, dit-elle. Mon époux est Rodrigue, maître Isaac, c’est lui qui tient la taverne près de la rivière. Mais mon nom est Ana.
    — Eh bien, maîtresse Ana, est-ce de votre mari que vous souhaitez m’entretenir ?
    Son hésitation à répondre dura un peu trop longtemps.
    — Yusuf, le panier doit être rempli pour servir sitôt que possible. N’oublie pas de remplacer ce que nous avons

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