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Contes populaires de toutes les Bretagne

Contes populaires de toutes les Bretagne

Titel: Contes populaires de toutes les Bretagne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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déserte. On était au cœur de l’hiver et il soufflait un vent du nord
à pétrifier les oiseaux. Daïg commença à mettre de l’ordre un peu partout, et,
le soir venu, il alluma un grand feu, soupa de bon appétit, fuma deux ou trois
pipes et alla se mettre au lit.
    Dès qu’il fut couché, il s’endormit. Il n’avait même pas
poussé la barre derrière la porte et n’avait point d’autre arme que ses poings.
Il dormit donc d’un sommeil profond, mais pas longtemps. En effet, au milieu de
la nuit, un bruit de sabots ferrés l’éveilla. Il se dressa, prêt à se
précipiter sur le premier venu. Il entendit qu’on entrait dans la maison et
qu’on marchait près de son lit.
    — Qui va là ! cria-t-il.
    — Brr, brr, brrou ! fit une voix.
    — Comment ? je ne connais pas ce langage !
    — Brr, brr, brrou ! répéta la voix.
    Daïg, fort intrigué, allait sauter à terre, lorsqu’une
bouffée de vent ayant ranimé un tison dans l’âtre, il aperçut, penché vers les
cendres chaudes, le plus laid et le plus curieux petit homme qu’il eût
rencontré de sa vie. C’était un vrai nabot, grand comme la botte d’un gendarme,
et n’ayant pour tout vêtement qu’un grand chapeau troué comme une écumoire et
de grands sabots cerclés de fer. C’était vraiment un affreux bonhomme, maigre,
bossu, et surtout rouge comme si on l’avait taillé dans une betterave.
    Daïg ne put s’empêcher de le prendre en pitié.
    — Je comprends, l’ami, dit-il, que tu n’aies pas
chaud !
    — Brr ! répondit le nabot.
    — Tu es très peu couvert !
    — Brr, brr !
    — Et il souffle un gredin de vent qui vous picore le
cuir comme ferait un quarteron d’épingles !
    — Brr, brr !
    — Prends donc le fagot d’ajoncs que j’ai dressé contre
la porte de l’étable et fais-toi une bonne flambée.
    Le petit homme rouge ne bougeait pas.
    — Mais, continua Daïg, c’est de bonne amitié que je te
l’offre, pourquoi le refuses-tu ?
    Toujours pas de réponse.
    — Ah, ça ! se dit Daïg Parker, il faut donc que le
bonhomme soit sourd et muet à la fois. Bon, je vais me lever.
    Il mettait le pied sur le sol quand il entendit le nain lui
dire :
    — À quoi bon ? Dans une heure, ton fagot sera
consumé et j’aurai froid encore, cette nuit, demain et toujours.
    — Bien, dit Daïg, c’est vrai que la nuit est longue et
que ma provision de bois est maigre. Viens t’étendre près de moi, il y a de la
place pour deux.
    — Non, répondit l’autre.
    — Et pourquoi non ?
    — Si je te prenais au mot, tu en aurais du regret.
    — Je te trouve particulièrement effronté de parler de
moi de la sorte.
    — C’est toi qui es effronté, toi qui m’invites, sans me
connaître, à partager ton lit. Je suis un compagnon incommode.
    — Tu n’auras pas été le premier.
    — C’est possible, mais…
    — Assez causé, dit Daïg, je ne me suis jamais dédit.
Veux-tu ou ne veux-tu pas ?
    — Brr ! fit le petit homme. Puisque tu insistes,
me voilà.
    Et il se glissa sous les draps comme un furet. Bien qu’il
fût maître de lui-même, Daïg ne put s’empêcher de tressaillir : le corps
du nabot était comme un bloc de glace.
    — Tu n’as pas les pieds brûlants, remarqua-t-il.
    — Je te l’avais bien dit que tu en aurais du regret.
    — Je ne regrette rien. Approche-toi.
    — Il me semble pourtant que tu claques des dents.
    — Cela me passera. Approche-toi davantage.
    Il est bien certain que Daïg eut terriblement froid cette
nuit-là, mais il se garda de toute réflexion et ne se plaignit pas. Au
troisième chant du coq, le petit homme rouge lui dit :
    — L’heure est venue pour moi de te quitter. Te plairait-il
de me loger encore la nuit prochaine ?
    — Certainement, si cela t’oblige.
    — Alors, attends-toi à me revoir, mais ne parle à
personne de ma visite.
    — Est-ce un ordre ?
    — Pourquoi cette demande ?
    — Si c’est un ordre, je parlerai, car je n’ai d’ordre à
recevoir de personne. Par contre, si c’est une requête polie, je me tairai.
    — Ce n’est point un ordre. À ce soir.
    — À ce soir !
    Daïg se rendormit, mais pour peu de temps, car il avait de
l’ouvrage à abattre, et il ne s’oublia pas au lit. Jamais homme n’avait été
plus gai et plus dispos, aussi ne vint-il à l’idée de personne de lui demander
si quelque apparition avait troublé son sommeil. De toutes façons, il n’eût pas
été embarrassé pour

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