Crépuscule à Cordoue
j’avais envie de retrouver sur mon chemin.
J’aurais pu passer à côté de lui sans qu’il me reconnaisse si je n’avais pas sursauté en le voyant, attirant ainsi son attention.
— Mais c’est ce cher Pinson ! s’exclama-t-il.
Le surnom oublié me paralysa sur place. Et il n’avait pas du tout l’intention de me faire une faveur quand il ajouta d’un ton gourmand :
— Je n’ai pas oublié que je te devais quelque chose !
63
Il laissa passer sa chance de me réduire en bouillie du premier coup. Ensuite, ce fut à mon tour de jouer.
Un jour, j’avais commis une grave erreur envers Cornix : j’avais réussi à m’échapper de ses griffes et je l’avais publiquement humilié. Si j’étais encore vivant aujourd’hui, c’était uniquement parce que j’avais réussi à me montrer plus malin que lui quand j’étais de ces esclaves qu’il prenait plaisir à terroriser. Et c’était d’autant plus méritoire qu’à l’époque je portais des chaînes, je mourais littéralement de faim, et j’étais désespéré.
— Je vais te faire éclater le crâne comme une coquille de noix, croassa-t-il de cette voix rauque que je n’avais jamais oubliée et qui me rendait malade. Ensuite, on pourra enfin s’amuser tous les deux !
— Tu n’as pas changé ! Toujours ce brave géant au cœur d’or. Mais dis-moi, Cornix… Qui donc a ouvert la porte de ta cage ?
— Tu vas mourir, se vanta-t-il. À moins qu’une fille ne vienne encore une fois à ton secours ?
Cette référence au passé ne me remonta pas le moral. La fille qui m’avait sauvé naguère se dirigeait vers la côte, et c’est elle qui avait besoin de moi.
— Non, Cornix. Je suis seul et sans arme. Dans un endroit parfaitement inconnu. Tu as tous les avantages.
Cette attitude résignée ne lui convenait pas. Il avait envie d’entendre des menaces. Il voulait que je le défie pour donner un grand spectacle. Après le rapport que j’avais établi sur lui, on avait dû se contenter de le changer de poste. C’était bien ma chance qu’il ait débarqué ici.
— Je suis content que nous ayons eu l’occasion d’avoir cette petite conversation, assurai-je. C’est tellement bon de revoir ses vieux amis !
Puis, je fis mine de m’éloigner le plus naturellement possible. Refuser de provoquer cette horrible fripouille était le plus sûr moyen de le rendre furieux. J’avais remarqué qu’il y avait des outils et de solides morceaux de bois un peu partout autour de nous. Cornix se saisit d’un pic de mineur et fonça sur moi.
Je m’armai rapidement d’une solide pelle que j’avais repérée du coin de l’œil et parvins à lui arracher le pic des mains d’un coup bien assené. La colère m’étouffait à un tel point qu’il n’y avait plus aucune place pour la peur. Surtout qu’il ne me fallut pas longtemps pour constater qu’il n’était pas très en forme. Alors que trois ans d’exercices réguliers m’avaient doté de forces qu’il aurait du mal à maîtriser.
— Je te laisse le choix, Cornix : soit tu disparais rapidement de ma vue, soit tu vas vraiment le regretter.
Il me répondit par un hurlement de rage et se jeta sur moi à mains nues. Comme je savais de longue date où Cornix aimait planter ses doigts aux grands ongles sales, j’étais bien décidé à ne pas le laisser s’approcher de moi. Dans une succession de coups rapides, j’utilisai mes genoux, mes poings et mes pieds, libérant un flot de hargne qui m’oppressait depuis des années.
Lentement, son cerveau gros comme un petit pois lui indiqua qu’il allait devoir faire plus d’efforts que d’habitude. Et il n’hésita pas. J’avais très envie de relever le défi, mais je devais me montrer prudent. Ses vociférations et l’odeur qu’il dégageait me tordaient les boyaux. Puis une personne que je n’avais pas remarquée se glissa adroitement près de moi et me fourra un solide gourdin dans la main. Je le levai à la hauteur de ma poitrine avant de foncer sur Cornix dont j’entendis avec plaisir les côtes craquer.
— Oh ! quel bruit agréable, Cornix !
J’aurais pu lui abattre facilement le gourdin sur le crâne, mais pourquoi m’abaisser à son niveau ? Je me contentai de le lever bien haut au-dessus de ma tête pour prendre l’élan nécessaire, puis je visai ses tibias. Le hurlement de douleur qu’il poussa résonna merveilleusement à mes oreilles. Il serait incapable de me suivre.
Soudain, tout
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