Crépuscule à Cordoue
m’apprit que j’avais moi-même reçu un message de Petronius pendant mon absence. Il avait soi-disant découvert quelque chose qui était susceptible de m’intéresser. Le mieux était donc de passer le voir au plus vite. Helena décida de m’accompagner pour prendre un peu d’exercice, et nous nous mîmes en route tout de suite après le déjeuner. Nux gambadait joyeusement autour de nous et j’étais animé du fol espoir qu’elle allait se perdre.
La femme de mon ami vint nous ouvrir la porte et nous précisa qu’il se trouvait dans l’arrière-cour. Helena Justina resta à bavarder avec elle, tandis que la chienne et moi allâmes le rejoindre. Nous le trouvâmes en train de se livrer à son activité favorite : la menuiserie.
— Ce que je suis en train de fabriquer t’est destiné, Falco. J’espère que tu sauras te montrer reconnaissant.
— C’est quoi ? Un cercueil trop petit ou un coffret à bijoux trop grand ?
— Arrête de faire l’idiot. C’est un berceau.
Il était en effet en train de construire un petit lit pour le vigoureux bébé pas encore né qui me donnait pourtant des coups de pied dans les côtes toutes les nuits. Un système de bascule permettrait de le bercer en toute sécurité, et un petit mât placé à la tête permettrait de suspendre des hochets et d’accrocher un rideau. J’étais vraiment très touché.
— Essaye de te fourrer dans le crâne que c’est destiné au bébé. C’est-à-dire que si ta conduite scandaleuse pousse Helena Justina à t’abandonner, ce berceau part avec elle.
— J’en doute, affirmai-je sans rire. Si elle part, ce sera sans le bébé.
Il parut si horrifié que je décidai d’en rajouter un peu :
— En fait, elle souhaite que je l’élève seul jusqu’à ce qu’il ait de la barbe au menton. Helena Justina ne supporte les enfants que quand ils sont en âge de tenir des conversations intelligentes.
Petro me regarda étrangement puis finit par pouffer de rire.
— Écoute, Falco, dit-il en changeant de sujet, je possède un indice qui va t’intéresser. Les enquêteurs de la deuxième cohorte ont dû se sentir mal à l’aise d’avoir manqué tout ce que toi et moi avons trouvé dans l’appartement de Valentinus ; alors ce matin, ils sont retournés sur le lieu de l’agression et ont examiné chaque pouce de terrain à genoux.
Il rit de plus belle en les imaginant dans cette position, et je lui fis écho.
— Et ils ont découvert un indice ?
— Ils n’en sont pas certains. Ils veulent avoir ton avis.
Petro attira alors mon attention sur un petit objet posé sur son établi. Je poussai un soupir de satisfaction. Ils avaient découvert un excellent indice. Un indice qui impliquait les musiciens et la danseuse. Il s’agissait d’une minuscule flèche dorée. Elle ressemblait à un jouet, mais était dangereusement pointue. D’après les petites blessures que portaient Anacrites et Valentinus à la jambe, il était facile d’imaginer comment ils s’y étaient pris. Les deux victimes avaient été surprises par une violente piqûre au niveau du genou et s’étaient machinalement penchées, offrant à leurs agresseurs l’occasion de leur écrabouiller le crâne contre un mur.
Helena Justina était venue discrètement nous rejoindre.
— Oh, Junon ! s’exclama-t-elle. Je suppose que cette flèche appartient à ta mystérieuse danseuse hispanique… et qu’elle a été retrouvée sur les lieux du crime ?
Nous ne pûmes qu’acquiescer d’un air morose.
— Allons, secoue-toi, Marcus, mon chéri, me taquina ma compagne. Je suis sûre que cette enquête va être passionnante. Tu vas devoir te mesurer à une belle espionne !
Je rétorquai naturellement qu’il fallait autre chose que de banals clichés pour me faire sourire – sans vouloir admettre que mon cœur battait la chamade.
12
Ignorant jusqu’à son nom, mes chances d’interroger la fausse danseuse d’Hispalis étaient bien maigres. Si elle n’était pas idiote, elle avait quitté Rome depuis longtemps. En retroussant les lèvres sur un sourire narquois, Petronius Longus promit d’ajouter son signalement à la liste des suspects recherchés. Affichant ensuite un air gourmand il offrit même de se charger personnellement de son interrogatoire, le cas échéant. Je lui conseillai de se ménager, que j’étais moi-même de taille à lui arracher ses petits secrets. Petronius, qui croyait fermement que les hommes dont la femme
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