Crépuscule à Cordoue
impôts au nom de Rome.
— Normalement, le questeur d’une province devrait s’adresser à Claudius Læta, le chef secrétaire ?
Et ses lettres seraient acheminées par le cursus publicus, la poste impériale. Un service rapide, efficace et offrant un maximum de sécurité.
— Alors pourquoi s’adresser à Anacrites et pourquoi te confier sa lettre à toi ? Tu étais un ami de ce Cornelius ?
— Oui.
— Donc s’il tenait à confier sa lettre à quelqu’un de sûr, c’est qu’elle contenait des secrets importants ?
— On peut le supposer, dit-il. Mais inutile de me demander lesquels parce qu’elle était soigneusement scellée et que j’avais reçu des instructions très strictes pour la délivrer à Anacrites en main propre sans en parler à personne d’autre.
Voilà qui l’arrangeait bien.
— Tu étais présent, quand Anacrites l’a lue ?
— Il m’a demandé d’attendre dans un autre bureau.
— Et ensuite, quelle a été sa réaction ? le pressai-je.
— Il est venu me retrouver et m’a invité à ce fameux souper pour me remercier.
Je décidai de changer de sujet :
— Connais-tu aussi Quinctius Quadratus, le nouveau questeur de Bétique ?
— Qu’est-ce que ça a à voir avec le reste ?
— Il devait lui aussi assister à ce dîner, d’après ce que m’a affirmé son père, mais il a préféré se rendre au théâtre.
— Moi, je laisse le théâtre à mon frère, dit-il sèchement.
— Est-ce que tu connais Quadratus ? insistai-je.
— Pas très bien, avoua-t-il. Il était à Cordoue l’automne dernier. Il se préparait sans doute à poser sa candidature pour devenir questeur de Bétique, mais il s’est bien gardé de le dire ouvertement. J’ai eu un désaccord avec lui au sujet de personnes qui travaillent dans la propriété de mon père. Depuis, il me bat froid. Bon, conclut-il, tu en as fini avec tes questions, Falco ?
— Pas du tout ! répondis-je sur le même ton. Je veux que tu me parles de la période que tu as passée à Cordoue. Si j’ai bien compris, tu travaillais au bureau du proconsul.
— Je n’ai jamais assisté à aucune réunion politique, prit-il plaisir à me signaler.
— Ce qui m’aurait surpris, c’est que les jeunes assistants du gouverneur s’intéressent aux choses importantes. Mais je voulais te demander si tu connaissais les Bétiques qui soupaient en compagnie de Quinctius Attractus.
— Des provinciaux ! laissa-t-il tomber dédaigneusement.
— Étant donné qu’un tiers des membres du Sénat est constitué d’hommes d’origine hispanique, et que tu as l’intention de rejoindre cette noble assemblée, tu devrais peut-être revoir tes opinions à leur égard. Moi, je m’intéresse à Annæus Maximus, Licinius Rufius, et deux autres qui s’appellent Norbanus et Cyzacus. Ils ont certainement déjà croisé ta route, non ?
— Annæus et Licinius sont des citoyens éminents de Cordoue.
— De gros producteurs d’huile d’olive ?
— Annæus possède la plus grande propriété, et Licinius arrive en second.
— Est-ce qu’il existe une rivalité entre les grands propriétaires terriens ? intervint son père.
— Des peccadilles, répondit-il. Chaque producteur cherche à obtenir le meilleur rendement et aussi la meilleure qualité pour bien vendre, mais dans l’ensemble, ils s’entendent assez bien. L’obsession de tous est de s’enrichir puis de faire étalage de leurs richesses en se construisant de belles demeures et en distribuant aussi de l’argent à la communauté. Ils essayent aussi de devenir magistrats ou prêtres. Ce qui est clair, c’est que le but à atteindre est une fonction honorifique à Rome. Ils sont très fiers quand un Cordouan y parvient, parce qu’ils estiment que l’honneur rejaillit sur tous les Bétiques.
Voilà qui était mieux. Quand il condescendait à coopérer, Ælianus se révélait un témoin valable. Il lui manquait l’humour corrosif des autres membres de sa famille, mais il possédait leur esprit d’analyse. Et il était bien plus intelligent qu’il ne s’autorisait à l’être.
— Je te remercie, dis-je sincèrement.
— Et les deux autres dont a parlé Falco ? insista le sénateur.
— Cyzacus est d’Hispalis. Il a une flottille de chalands. Près de Cordoue, le Guadalquivir est trop étroit pour les gros bateaux, alors il organise le transport des amphores. Je le connais seulement de vue.
— Il n’est pas
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