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Crucifère

Crucifère

Titel: Crucifère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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coulera, rétorqua Cassiopée. Car nous allons les semer, n’est-ce pas ? demanda-t-elle au capitaine, un vieillard à la barbe d’un noir de suie.
    — Hélas, mon savoir-faire et mon expérience ne sont rien quand on les compare à ceux du grand Chefalitione, ou à la magie noire. Car c’est bien elle qui, je le crains, gonfle les voiles de nos poursuivants.
    — Elle ou les djinns, fit Cassiopée.
    — Ou autre chooose encooore, déclara Rufinus, ramené de la voûte céleste par l’oiselle.
    — Quoi par exemple ? lui demanda Cassiopée.
    — Riiien.
    Comme un enfant pris en faute, Rufinus détourna le regard.
    — Te voilà bien mystérieux…
    Faisant celui qui n’avait rien entendu, Rufinus réclama :
    — Tu me reprends en maaain ?
    Alors, à la façon d’une lanterne, Cassiopée l’agrippa délicatement par le crochet qu’il avait au cou et l’orienta vers leurs poursuivants.
    — C’est donc bien un navire, et il se rapproche.
    — Et tout là-haut, ironisa Cassiopée en montrant la Lune, combien de pis ont les vaches ?
    Rufinus fit la moue, puis déclara :
    — Ne cooompte pas sur moi pour te révéler ce secreeet.
    — En tout cas, monseigneur, intervint Emmanuel, je suis fort aise de constater que la privation de bras et de jambes ne vous a pas gâté la vue.
    — Même la tête à l’enveeers, j’y vois mieux que jaaamais. Et j’entends bien des choooses aussi…, déclara Rufinus d’un air de conspirateur.
    — En ce cas, n’oubliez pas qu’il est bon parfois de savoir garder bouche close.
    En guise de réponse, Rufinus s’installa dans un silence que seuls des cris d’oiseaux vinrent perturber.
    — Des mouettes, commenta Cassiopée. Cela veut dire que la côte n’est pas loin.
    — Peut-être devrions-nous gagner le couvert d’une crique ; et puis attendre un jour ou deux, proposa Emmanuel.
    — C’est une possibilité, approuva Cassiopée.
    — Si c’est celle que vous pensez suivre, c’est maintenant ou jamais, dit Kunar Sell depuis l’endroit du pont où il s’était allongé pour se reposer, à côté de sa grande hache à double tranchant.
    Tous sourirent, car tous avaient cru qu’il dormait. Cela avait peut-être été le cas. Mais quand le danger pointait le bout de son nez, Kunar Sell recouvrait aussitôt ses esprits, sa vigueur et sa hargne. Se redressant comme après une bonne nuit de repos, le Danois marcha vers eux et regarda à son tour vers la voile qui grossissait à l’horizon – lentement, mais inexorablement.
    — On profite de la nuit pour trouver une crique, on s’y cache. Eux nous dépassent, ils nous cherchent… Et ne nous trouvent pas.
    — Reste un problème, dit Emmanuel. Si nous pouvons les voir, ça veut dire qu’ils nous voient eux aussi.
    — Pas forcément, objecta Cassiopée. Leur voile est rendue brillante par je ne sais quel sortilège… Nous qui ne nous servons que de la force des vents et des courants pour avancer ne souffrons pas des mêmes désavantages. Mais il est vrai que si la lune voulait nous prêter main-forte, elle nous aiderait à trouver une crique, puis irait se cacher juste après.
    Ils tournèrent leurs regards vers la Lune ; et c’est alors que, comme si celle-ci avait été à leur service, elle jeta un fin rayon vers une crique distante de seulement quelques brasses.
    Là, ils pourraient se dissimuler.
    Cassiopée dirigea la manœuvre, leur felouque vira de bord, et la Lune fit de même – allant se taire derrière un nuage.

58.
    « Avant que je m’en aille sans retour au pays des ténèbres et de l’ombre épaisse, où règnent l’obscurité et le désordre, où la clarté même ressemble à la nuit sombre. »
    (JOB, X, 21-22.)
    —  Où sommes-nous ? demanda Emmanuel sans qu’on puisse savoir s’il s’interrogeait lui-même, à haute voix, ou s’il posait la question à quelqu’un.
    À vrai dire, cette question, à bord de la felouque, tout le monde se la posait.
    Certes, ils se savaient en route pour Bab el-Mandeb, à mi-chemin des côtes de l’Afrique et de l’Arabie intérieure – autrement dit, cernés de tous côtés par l’ennemi. Déserts de sable fauve, djinns et pillards à l’orient ; jungles, démons cannibales et tribus d’anthropophages à l’occident. Le nord ne valait pas mieux – c’était de là que venaient leurs poursuivants ; quant au sud, leur destination, il leur paraissait désormais plus dangereux de s’y rendre que de se dérouter un

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