Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Dans le jardin de la bête

Dans le jardin de la bête

Titel: Dans le jardin de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erik LARSON
Vom Netzwerk:
Dodd apprit à quel point il était loin d’être le premier choix de Roosevelt. Ce fut une leçon d’humilité  48 . Dodd nota dans son journal que cela réduisait toute tentation de sa part à se montrer « excessivement prétentieux » concernant cette nomination.
    Quand la conversation porta sur la persécution des Juifs, le colonel House poussa Dodd à faire tout son possible « pour réduire leurs souffrances », mais le mit en garde : « Les Juifs ne doivent pas être autorisés à dominer  49  la vie économique ou intellectuelle à Berlin comme ils l’ont fait pendant longtemps. »
    En cela, le colonel House exprimait un sentiment omniprésent aux États-Unis, que les Juifs d’Allemagne étaient en partie responsables de leurs propres malheurs. Dodd fut confronté à une vision encore plus extrême le jour même, après avoir regagné New York où il alla dîner avec sa famille dans Park Avenue chez Charles R. Crane, soixante-quinze ans, un philanthrope dont la famille avait fait fortune en vendant de la plomberie. Crane était un pro-Arabe qui avait la réputation d’avoir de l’influence dans certains pays du Moyen-Orient et des Balkans, et il était un généreux donateur du département de Dodd à l’université de Chicago, où il avait financé une chaire pour l’étude de l’histoire et des institutions russes.
    Dodd savait déjà que Crane n’était pas un ami des Juifs. Quand Crane lui avait précédemment écrit pour le féliciter de sa nomination, il avait joint quelques conseils : « Les Juifs, après avoir gagné la guerre  50 , ont continué à galoper sur leur lancée, ont fait main basse sur la Russie, l’Angleterre et la Palestine, et ils se sont fait prendre en flagrant délit alors qu’ils tentaient de s’emparer aussi de l’Allemagne ; face à cette première vraie rebuffade, ils sont devenus complètement cinglés et ils inondent le monde – en particulier l’Amérique trop placide – de propagande anti-allemande… Je vous conseille vivement de refuser toute mondanité. »
    Dodd adhérait en partie à l’idée  51  du millionnaire que les Juifs avaient une responsabilité dans leur malheur. Plus tard, après son arrivée à Berlin, il lui écrivit que même s’il n’« approuvait pas la brutalité avec laquelle les Juifs étaient traités ici », il pensait que les Allemands avaient un motif de plainte valable. « Quand j’ai l’occasion de m’entretenir en privé avec des Allemands de marque, je leur déclare très franchement qu’ils ont un très sérieux problème mais qu’ils ne savent pas comment le résoudre, lui confia-t-il. Les Juifs ont occupé beaucoup plus de postes clés en Allemagne que leur nombre ou leurs talents ne les y autorisaient. »
    Au dîner, Dodd entendit Crane exprimer une grande admiration pour Hitler et il apprit aussi que Crane n’avait personnellement aucune objection s’agissant de la façon dont les nazis traitaient les Juifs allemands.
    Comme les Dodd partaient, ce soir-là, Crane donna à l’ambassadeur une dernière recommandation : « Laissez donc Hitler faire comme il l’entend  52 . »
     
    Le lendemain, 5 juillet 1933, à onze heures, les Dodd prirent un taxi pour le quai et embarquèrent à bord du Washington à destination de Hambourg. Ils tombèrent sur Eleanor Roosevelt venue souhaiter «  bon voyage  » à son fils Franklin Jr, qui partait pour l’Europe, en vue d’y faire un séjour.
    Une dizaine de reporters  53  se précipitèrent également à bord et acculèrent Dodd sur le pont où il se trouvait avec sa femme et Bill. À cet instant, Martha était ailleurs sur le bateau. Des questions fusèrent, et les journalistes poussèrent les Dodd à agiter la main pour dire au revoir. Ils s’exécutèrent à contrecœur, rapporte Dodd « et, sans nous rendre compte de la similarité de ce geste avec le salut hitlérien, qui nous était alors inconnu, nous levâmes la main ».
    Les photographies qui en résultèrent provoquèrent un mini-tollé, car Dodd, sa femme et son fils paraissaient exécuter le salut nazi.
    Le doute l’envahit. Dodd sentit monter  54  la peur de quitter Chicago et ses bonnes vieilles habitudes. Comme le paquebot larguait les amarres, la famille se sentit gagnée par ce que Martha appela plus tard « un accès disproportionné  55  de tristesse et d’appréhension ».
    Martha pleura.
    * « LPC » : « Likely to become a public charge » ,

Weitere Kostenlose Bücher