Dans l'intimité des reines et des favorites
inconduite aux yeux du public…
Elle était à ce moment la maîtresse du jeune et beau vicomte de Turenne, duc de Bouillon, un fidèle ami de Henri de Navarre. Après s’être moquée de lui, disant qu’elle « trouvait sa taille disproportionnée en quelque endroit, la comparant aux nuages vides qui n’ont que l’apparence dehors », elle constata que cette apparence n’était pas trompeuse et en fit son compagnon de lit. Or, s’il était largement pourvu par la nature, le jeune huguenot n’avait pas de très bonnes manières ; un soir, nous raconte Tallemant des Réaux, « étant ivre, il dégobilla sur la gorge de Marguerite, en la voulant jeter sur un lit ».
La reine Margot, qui passait des heures à faire macérer son corps dans des huiles, fut écœurée. Elle lui pardonna néanmoins, « ne voulant pas perdre l’usufruit de la belle pièce qu’il portait ».
En compagnie de cet ardent vicomte, elle organisa des bals, des mascarades au cours desquels il était de bon ton de se tenir très mal. Naturellement, Margot n’avait pas l’indécence de demander à son mari de payer ces fêtes où elle le cocufiait. Elle s’adressait pour cela au bon Pibrac, toujours amoureux d’elle, qui se ruinait doucement sans obtenir aucune faveur…
Mais il arrive que les moutons se rebiffent. Un beau matin, Pibrac, ulcéré de voir Marguerite se moquer de lui avec Turenne, quitta Nérac, retourna au Louvre et raconta par le détail à Henri III ce qui se passait à la cour de Navarre.
Le roi entra dans une grande colère, traita sa sœur de putain et adressa immédiatement une lettre au Béarnais pour l’informer de l’inconduite de Margot.
Navarre, qui avait tant à se faire pardonner, fit semblant de ne rien croire, mais s’amusa à montrer la lettre du roi à Turenne et à Marguerite. Celle-ci, outrée de cette nouvelle perfidie, décida, pour se venger, de pousser son mari à déclarer la guerre au roi. Le prétexte était simple : les villes d’Agen et de Cahors, qui faisaient partie de son douaire, étaient retenues injustement par Henri III . Il suffisait d’exciter un peu Navarre [48] …
La fine mouche sut s’y prendre. Elle appela la jeune Fosseuse :
— Il arrive ici de nombreuses lettres venant du Louvre, toutes remplies des sarcasmes du roi de France à l’égard de notre cour de Nérac. Je veux que vous les montriez au roi, mon mari, en vous indignant et en le poussant à s’indigner aussi. Il est toujours porté à rire, il faut qu’il se fâche…
Françoise prit quelques lettres, les montra à son amant, mais n’osa pas jouer la comédie que lui avait enseignée Marguerite. Le soir, elle vint, en pleurant, avouer à celle-ci sa timidité.
Margot lui pardonna en raison de son extrême jeunesse et fit appel à une femme plus rouée, nommée Xainte, qui était à son service en qualité de chambrière. Elle la poussa d’abord à devenir la maîtresse de Navarre. Après quoi, elle lui donna les mêmes consignes qu’à la belle Fosseuse.
Xainte réussit tout de suite : Navarre déchira les lettres qu’on lui montrait et s’emporta violemment contre Henri III .
C’est alors que Fosseuse, sortant de sa timidité, intervint.
— Vous devez vous venger de ces affronts, monseigneur, en déclarant la guerre au roi de France et en lui reprenant les villes de Cahors et d’Agen, dit-elle.
Quelques jours après, Navarre se préparait à cette guerre qu’Agrippa d’Aubigné [49] devait, avec raison, baptiser la « Guerre des Amoureux ». Voici d’ailleurs ce que nous en dit l’auteur de l’ Histoire Universelle.
« Nous avons touché, écrit-il, de la haine de la reine de Navarre contre le roi son frère. Cela fit que, pour lui remettre la guerre sur les bras, à quelque prix que ce fût, cette femme artificieuse se servit de l’amour de son mari envers Fosseuse pour semer en l’esprit de ce prince les résolutions qu’elle désirait. Cette fille, craintive, pour son âge, au commencement, ne pouvait bien pratiquer les leçons de sa maîtresse. Elle la faisait aider par une fille de chambre, nommée Xainte, avec laquelle le roi de Navarre familiarisait. Celle-ci, hardie, rapportait sans discrétion force nouvelles que la reine de Navarre recevait ou inventait de la cour, soit les paroles de mépris que son frère disait en son cabinet, soit les risées de Monsieur et du duc de Guise, qui se faisaient à ses dépens devant la dame de Sauve.
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