Dans l'intimité des reines et des favorites
D’ailleurs, elle séduisit les maîtresses de ceux qui avaient voix au chapitre. Elle-même gagna pour ce point le vicomte de Turenne, embarqué en son amour… »
Au bout de quelques semaines, Margot n’eut plus guère besoin de faire la leçon à ses amies, car les lettres qui parvenaient de Paris rapportaient tant de railleries, d’insultes et de grossièretés à l’égard de la cour de Navarre, que toutes les dames de Nérac furent mortellement offensées. Elles allèrent trouver leurs amants et, cette fois, de leur propre chef, les incitèrent à se venger du roi de France.
Au début de 1580, chauffé à blanc par la belle Fosseuse, qui ne voulait plus être appelée « bourbeteuse, drouine, putassière ou empeseuse de chemises », et poussé par les seigneurs protestants, Navarre était prêt à combattre.
« On vit naître alors, écrit Dreux du Radier, cette guerre à la tête de laquelle on peut dire qu’était la jeune Fosseuse. »
Les hostilités commencèrent sans tarder. On se battit avec fureur dans toute la Guyenne, et Navarre parvint à prendre Cahors.
Aussitôt, par représailles, les soldats du maréchal de Biron vinrent jeter des boulets dans de nombreuses villes huguenotes qui furent incendiées. À Nérac, Marguerite se croyait à l’abri, car elle avait obtenu de Henri III que cette ville « fût tenue en neutralité » sous la réserve expresse que Navarre ne s’y trouvât pas.
« Mais, nous dit-elle dans ses Mémoires , cette condition n’empêcha point que le roi, mon mari, ne vînt souvent à Nérac où nous étions, Madame, sa sœur et moi, étant son naturel de se plaire parmi les dames, même étant lors fort amoureux de Fosseuse… Ces considérations l’ayant amené un jour à Nérac avec ses troupes, il y séjourna trois jours, ne pouvant se départir d’une compagnie et d’un séjour si agréables… [50] »
Le maréchal de Biron n’attendait que cette occasion. Il accourut avec son armée et « fit tirer sept ou huit volées de canon dans la ville, dont l’une donna jusqu’au château… »
C’est ainsi que l’amour faillit causer la destruction de Nérac…
Au mois de novembre, le duc d’Anjou vint entamer des négociations qui aboutirent au traité de Fleix (29 novembre 1580).
La « Guerre des Amoureux » était finie. Elle avait vengé l’honneur des dames légères de la cour de Navarre et fait cinq mille victimes.
6
Margot chassée de Paris à cause de ses déportements
La morale n’est peut-être que la forme
la plus cruelle de la méchanceté.
Henry Becque
La signature de cette paix fut à l’origine d’une aventure galante qui devait bouleverser la vie de Marguerite et diviser, une fois de plus, la famille royale.
Parmi les jeunes seigneurs qui accompagnaient le duc d’Anjou, se trouvait un garçon fort séduisant nommé Jacques de Harlay de Champvallon que la reine de Navarre, toujours à l’affût, remarqua tout de suite pour son regard chaud et sa carrure prometteuse.
Elle avait alors trente ans. Son tempérament déjà volcanique se trouvait renforcé par la cuisine fortement épicée de Nérac. La vue de ce beau jeune homme lui mit immédiatement du feu à tous les bons endroits, et elle s’en trouva gênée.
Voyant son trouble, Champvallon sut se montrer gentilhomme : il la viola sur-le-champ…
Le lendemain, encore toute chancelante, elle écrivait à son amie, la duchesse d’Uzès, ses impressions sur les quelques instants passés avec ce nouveau partenaire :
J’ai eu tant de plaisir que ce serait chose trop longue à vous écrire [51] .
Tant de plaisir qu’elle en était remuée jusqu’au plus profond d’elle-même ; tant de plaisir que, pour la première fois de sa vie, elle tomba vraiment amoureuse…
Transfigurée, rayonnante, oubliant tout : Navarre, Turenne, et même François, son frère chéri, elle vécut dans l’adoration de ce jeune seigneur élégant qu’elle appelait, avec quelque exaltation, « son beau soleil », « son bel ange », « son beau miracle de la nature »…
Cette passion l’aveugla au point qu’elle perdit le peu de réserve qui lui restait, et Champvallon dut la satisfaire dans les escaliers, les placards, les jardins, les champs, les granges…
Un jour, d’Aubigné, qui furetait selon son habitude, la surprit à Cadillac « en ses privautés » avec son amant. Tout heureux d’avoir une bonne anecdote à conter, il
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