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Dans l'intimité des reines et des favorites

Dans l'intimité des reines et des favorites

Titel: Dans l'intimité des reines et des favorites Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Guy Breton
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je n’aime ni honore rien au monde comme vous [88] , et vous garderai fidélité [89] jusqu’au tombeau… Je m’en vais à Beaugency, où je crois que vous oirez bientôt parler de moi [90] . Je fais état de faire venir ma sœur bientôt. Résolvez-vous de venir avec elle [91] . Le roi m’a parlé de la Dame d’Auvergne. Je crois que je lui ferai faire le mauvais saut [92] . Bonjour, mon cœur, je te baise un million de fois.
    Henry.
     
    Corisande avait bien raison d’être jalouse, car, non content d’avoir des maîtresses d’une nuit, le Béarnais la trompait depuis quelque temps avec Esther Ymbert, fille de Jacques Ymbert, bailli du grand fief d’Aunis. C’était une gracieuse blondinette de vingt et un ans qui avait la cuisse tendre et légère. Henri allait la retrouver secrètement chaque soir. Une nuit, le bailli, qui soupçonnait Navarre de pénétrer un peu trop avant dans l’intimité de sa fille, fit irruption dans la chambre où les deux amants s’en donnaient, comme on dit, à cœur joie. Tirant Esther du lit, il lui administra une grande paire de gifles.
    — Pourquoi la battez-vous ? demanda Henri, stupéfait.
    Le bailli eut une curieuse réponse.
    — Je la bats, Sire, parce qu’elle manque de respect à Votre Majesté !…
    Cette scène n’empêcha pas le Béarnais de continuer à être l’amant d’Esther. Pendant deux mois, tout en écrivant des lettres passionnées à Corisande, il retrouva la fille du bailli dans un bois discret où il pouvait se montrer sans crainte sous un jour avantageux. Il y fit, hélas ! tant de prouesses que la belle lui annonça, un matin, qu’elle était enceinte. Navarre n’aimait pas cela. Il la quitta aussitôt pour rejoindre les troupes royales [93] .
    Quelques jours plus tard, il marchait sur la capitale, en compagnie de Henri  III . Un soir, pendant une halte, il écrivit ce billet à M me  de Gramont : Si le roi use de diligence, comme j’espère qu’il le fera, nous verrons bientôt les clochers de Notre-Dame de Paris… Mon cœur, aimez-moi toujours comme vôtre, car je vous aime comme mienne.
    Ces mots n’avaient plus aucun pouvoir sur Corisande. Amère, désabusée, elle traça d’une main tremblante, sous la dernière phrase de la lettre qu’elle venait de recevoir : Vous n’êtes ni à moi, ni moi à vous… et ne répondit pas. Ainsi s’achevait un roman long de trois mille nuits d’amour…
     
    En août, Henri  III tomba sous les coups de poignard du moine Jacques Clément. Avant de mourir, il désigna expressément Henri de Navarre comme son légitime successeur, et lui dit :
    — Mon frère, je vous laisse ma couronne et mon neveu ; je vous prie d’en avoir soin et de l’aimer. Vous savez aussi comme j’affectionne M. Le Grand, faites état de lui, je vous prie, il vous servira fidèlement [94] .
    Quelques heures plus tard, le dernier des Valois rendait son âme à Dieu.
    Lorsqu’on vint lui annoncer cette nouvelle, Corisande se retira dans sa chambre et pleura ; l’homme qu’elle avait préparé à recevoir la couronne devenait roi de France, et elle n’était pas près de lui pour partager sa joie.
    Seule dans son grand château d’Hagetmau, elle comprit qu’elle ne devait attendre qu’une chose du nouveau souverain : l’ingratitude…
     
    Henri  IV entreprit sans tarder la conquête de son royaume. Tâche difficile, puisque la capitale et les cinq dixièmes du pays étaient aux mains des Ligueurs et que ceux-ci venaient de faire proclamer roi, sous le nom de Charles  X , le vieux cardinal de Bourbon, oncle du Béarnais.
    Renonçant pour l’instant à prendre Paris, il alla s’emparer de Dieppe, ville clef qui pouvait lui permettre de recevoir des renforts de la reine d’Angleterre. Et pendant des mois, avec sa petite armée mal vêtue et mal nourrie, il sillonna la Normandie, occupant des villes, prenant des forts, massacrant des ennemis et remportant des victoires contre toute logique [95] .
    Cette grande activité militaire ne l’empêchait pas de songer à la bagatelle. Faisant la guerre le matin et l’amour la nuit, il parcourait les routes, panache au vent, laissant sur les prairies les cadavres de ses ennemis et dans chaque ville traversée quelques jeunes personnes exténuées qui ne pouvaient plus entendre parler de la monarchie sans avoir un étrange sourire…
    C’est pendant cette campagne qu’il rencontra Antoinette de Guecherville, comtesse de Pons, jolie veuve de

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