Dans l'intimité des reines et des favorites
les dévorer à belles dents, comme feroient des loups.
« On remarque surtout, ajoute-t-il, qu’il fut mangé un enfant dans l’hôtel de Palaiseau, et qu’on en mangea deux à l’hôtel de Saint-Denis [99] … »
Un aubergiste fut arrêté et pendu pour avoir servi à ses clients des rôtis de chair humaine. Chaque jour, il tuait un de ses voisins et le mettait au menu. Son établissement, on s’en doute, ne désemplissait pas.
En apprenant ces regrettables événements, le clergé s’indigna. Il y avait de quoi. Car on admettra que c’est une curieuse façon d’aimer son prochain que de l’aimer bien cuit…
Comprenant qu’il n’aurait pas raison des Parisiens par la famine, Henri IV se décida un jour à faire bombarder la ville. Quatre cents boulets s’abattirent sur les rues Saint-Honoré, Saint-Martin et Saint-Denis, ne faisant, par un hasard extraordinaire, qu’un seul blessé. Or ce personnage que le bombardement avait couché sur le pavé s’appelait M. Guillaume de Rebours. C’était le père de l’ex-maîtresse du roi…
Le destin a d’amusantes fantaisies !
Ces boulets n’entamèrent pas plus le moral des Parisiens que la faim, et Henri IV commença à s’ennuyer. Heureusement, il allait avoir une saine distraction. Un jour, la jeune abbesse de Montmartre, Claude de Beauvillier, lui envoya demander une sauvegarde qu’il accorda aussitôt. Quelques jours après, nous dit Sauval, « elle vint le remercier et lui fit son compliment de si bonne grâce que, comme elle avait beaucoup d’agrément dans sa personne, il ne put consentir qu’elle s’enfermât dans son couvent » [100] .
Il la retint sous sa tente et lui apprit des choses qui, pour n’être point dans la règle de l’Ordre, lui parurent fort agréables. Claude de Beauvillier n’avait pas la vocation. Elle était de ces filles que des parents pieux faisaient entrer en religion pour attirer sur leur famille la bénédiction du ciel. Elle n’eut donc aucun scrupule à devenir la maîtresse du roi [101] …
Pendant plus d’une semaine, elle vécut avec lui, partageant son existence de guerrier et montrant au déduit une telle ardeur que le roi, séduit, se prit à penser avec tristesse aux trésors inemployés qui se trouvaient probablement enfermés dans de nombreux couvents. Le hasard des opérations l’ayant amené à Longchamp, il voulut vérifier son hypothèse et devint l’amant d’une jeune religieuse, Catherine de Verdun, âgée de vingt-deux ans. Cette double aventure amusa beaucoup l’entourage de Henri IV , qui fit quelques fines plaisanteries ainsi que nous le conte Pierre de L’Estoile. « Ce jour-là, mardi, dernier juillet 1590, écrit-il, le roy ayant quitté Montmartre pour aller à Longchamp, le mareschal de Biron se trouvant à son disner, et ayant envie de faire rire le roy, lequel estoit fort prié et importuné en ce temps de changer de religion, lui va dire :
« — Sire, il y a bien des nouvelles !
« — Et quelles nouvelles ?
« — C’est que chacun dit à Paris que vous avez changé de religion.
« — Comment cela ? dit le roy.
« — Celle de Montmartre contre celle de Longchamp ! »
Henri IV éclata de rire :
— Ventre-saint-gris ! La plaisanterie n’est pas mauvaise et si les Parisiens voulaient se contenter de ce changement, tout serait pour le mieux et je serais bien aise !…
Catherine n’était qu’une passade. Après l’avoir établie abbesse de Saint-Louis de Vernon, le roi revint à Montmartre vers Claude qui lui procura, de nouveau, d’étourdissantes satisfactions. Mais les plaisirs humains sont fugaces, même chez les grands ; le 30 août, en apprenant que le duc de Parme à la tête de troupes espagnoles arrivait au secours des Parisiens, Henri IV dut se résoudre à lever le siège qui durait depuis trois mois. Deux heures avant le jour, il décampa avec son armée et fit conduire sa chère abbesse à Senlis, où rien ne fut épargné pour lui rendre le séjour heureux.
Claude de Beauvillier eut un moment l’espoir d’être reine de France. Hélas ! par une malicieuse cruauté du sort, son charme fut cause de son infortune. « Un soir, nous dit Sauvai, le roi, parlant à son petit coucher de la beauté des dames de la cour, vanta extrêmement celle de l’abbesse de Montmartre et dit qu’il n’avoit jamais vu une personne aussi charmante. Le duc de Bellegarde, qui étoit présent à la
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