Dans l'intimité des reines et des favorites
IV , celui-ci faisait creuser des tranchées autour de la place et bombarder les fortifications.
— Le siège sera court, déclara-t-il.
Mais les Chartrains n’étaient pas aussi démunis que les Rouennais. Ils se laissèrent enfermer dans leur ville et narguèrent les troupes royales. Vexé, Henri IV les somma de se rendre. Ils répondirent avec hauteur qu’ils étaient prêts à lui ouvrir les portes s’il se convertissait à la religion catholique, mais qu’ils se refusaient à servir un hérétique.
Le siège dura deux mois. Tous les jours, des boulets s’abattaient sur la ville, écrasant, tuant, estropiant de braves gens. Les assiégés n’en conservaient pas moins un étonnant moral : un matin, pour repousser les assaillants, ils n’hésitèrent pas à brûler leurs maisons et à les renverser en dehors des murailles.
Du côté des assiégeants, la vie était beaucoup plus agréable. Henri IV , en effet, « faisait venir des filles de joie expertes en l’art de Vénus pour le plaisir de ses capitaines » et organisait chaque soir de petites sauteries qui lui permettaient de danser avec la belle Gabrielle. Le spectacle de ces hommes et de ces femmes enlacés « et même au-delà », nous dit-on, qui ne se gênaient pas pour « jouer à la chosette » publiquement dans les couloirs et même sous le manteau des vastes cheminées, échauffa le sang du roi. Ses artères temporales prirent un relief inquiétant et Gabrielle lui fit plus envie que jamais. Pour précipiter les événements, il donna un matin à ses sapeurs l’ordre de faire sauter une partie des remparts avec des mines.
Comprenant que toute résistance était désormais inutile, les Ligueurs ouvrirent les portes.
Quand on vint annoncer cette nouvelle à Henri IV , son œil s’alluma. Que lui importaient à ce moment les huit semaines de vie difficile dans la boue des tranchées, les dangers quotidiens et les douze cents hommes et huit maîtres de camp que lui coûtait l’opération ? Il était sûr de coucher avec Gabrielle d’Estrées.
Chartres capitula le 10 avril 1591. Aussitôt M. de Sourdis était rétabli comme gouverneur de la ville, tandis que M. de Cheverny redevenait gouverneur du pays.
Et le soir même Henri IV pouvait enfin montrer à la belle Gabrielle qu’il était aussi ardent au lit que sur un champ de bataille…
Le lendemain, dans les rues de Chartres, eut lieu une grande procession que le roi troubla par une de ces gamineries dont il était coutumier. Alors que les Chartrains se rendaient au couvent des Saints-Pères en chantant des cantiques, Henri IV , accompagné de quelques seigneurs protestants, s’amusa à couper leur cortège, pour aller entendre le prêche d’un pasteur qui s’était installé dans un tripot. Cette plaisanterie, d’un goût douteux, mécontenta considérablement les vaincus qui étaient fortement attachés à la religion catholique, et causa un scandale en raison de la très mauvaise réputation dont jouissait l’établissement. C’était, nous dit le Journal du Siège de Chartres , « le lieu le plus profane de la ville, où les bateleurs jouaient ordinairement leurs farces et apprenoient aux ruffians à débaucher les honnestes femmes mariées, à tenir les bacchanales, à violer les vierges chastes et à crocheter chambres et buffets ».
Le comportement du roi de France, en cette occasion, peut étonner ; mais le fait qu’il ait choqué les Ligueurs nous surprend bien davantage. En effet, depuis deux ans, les partisans de M. de Mayenne organisaient, tant à Paris qu’en province, de très curieuses processions, dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles manquaient de tenue. Les participants, hommes et femmes, défilaient derrière la croix « dans un état complet de nudité ». Les prêtres, pour se distinguer de leurs paroissiens, portaient bien une guimpe de toile blanche, mais ce léger vêtement n’arrangeait guère les choses, « pour ce qu’il leur arrivait simplement aux hanches »…
Naturellement ces cérémonies avaient un énorme succès, et un chroniqueur du temps nous dit : « Le peuple estoit tellement eschauffé et enragé, s’il faut parler ainsi, après ces belles dévotions processionnaires, qu’ils se levoyent bien souvent de nuit, de leurs lits, pour aller quérir les curés de leurs paroisses, pour les mener en procession, comme ils firent en ces jours au curé de Saint-Eustache, que quelques
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