Dans l'intimité des reines et des favorites
paraissez mieux qu’en chaire. Ah ! j’en suis hors d’haleine et je ne m’en puis revenir ; il me faut, n’en déplaise à la parole, à la fin avouer que, pour si beau que soit le discours, cet ébattement le surpasse, et peut-on bien dire sans se tromper : “Rien de si doux, s’il n’était si court.” »
La vie entre ces deux amants si mal assortis était naturellement assez difficile. Dès qu’ils se trouvaient hors d’un lit, ils se disputaient, et la reine Margot, qui était devenue d’une jalousie féroce, empêchait son « galant » de sortir seul. Parfois même, elle le battait. Peu intelligent, mais rusé, Bajaumont faisait alors mine d’avoir été blessé, et se mettait au lit où la reine courait le rejoindre…
On comprend que le confesseur de Margot, le futur saint Vincent de Paul, ne se soit pas plu dans cette atmosphère. Il s’en alla, un jour, écœuré, préférant aller vivre avec les galériens…
Pendant ce temps, Henri IV menait une existence extrêmement compliquée entre la reine, la duchesse de Moret, dont il était toujours amoureux, et la marquise de Verneuil, qu’il soupçonnait d’infidélité.
C’est à cette époque qu’il obligea celle-ci, dit-on, à porter, pendant ses absences, une ceinture de chasteté. Ce curieux instrument (que le Moyen Âge n’avait pas connu) venait, en effet, de faire son apparition en France [180] . Inventé à Venise, il avait été exposé et mis en vente par un « quinquailleur » à la foire Saint-Germain. Il s’agissait, nous dit Sauval, « d’un petit engin pour brider la nature des femmes qui était fait de fer et ceinturait comme une ceinture et venait à prendre par le bas et se fermer à clef ; si subtilement fait qu’il n’était pas possible que la femme, en étant bridée une fois, s’en pût jamais prévaloir pour ce doux plaisir, n’ayant que quelques petits trous menus pour servir à pisser » [181] .
Les maris avaient quelques raisons de faire porter cet instrument barbare à leurs épouses, car les femmes étaient alors véritablement « possédées par un démon de luxure qui les poussait, nous dit-on, à commettre mille extravagances propres à faire naître de coupables désirs à leur endroit ». C’est ainsi qu’elles se promenaient dans des robes aux décolletés audacieux qui laissaient voir leur poitrine entièrement nue…
Le menu peuple ricanait en considérant ces grandes dames qui allaient dans les rues le tétin à l’air, et deux quatrains ironiques circulèrent bientôt dans Paris.
Le premier était allusif :
À vostre advis celle qui va
La gorge toute descouverte,
Fait-elle pas signe par là
Qu’elle voudroit estre couverte ?
Le second était plus direct :
Madame, cachez vostre sein,
Avec ce beau tétin de rose,
Car si quelqu’un y met la main
Il y voudra mettre autre chose.
Si le peuple riait, le clergé, naturellement, fulminait contre ces « nudités de gorge » qui excitaient en tous lieux, même dans les églises, la concupiscence des amateurs. Et les prédicateurs, en chaire, apostrophaient violemment les élégantes qui se montraient « sous les livrées de l’impudicité ».
Le cordelier Maillard leur tint, un dimanche, ce curieux langage : « Enfants du diable ! femmes maudites de Dieu, qui venez dans le lieu saint pour étaler vos impudiques mamelles, vous serez damnées et pendues par vos infâmes tétons. »
Un autre, plus léger, leur recommandait d’avoir toujours sur leur gorge un fichu de toile de Hollande, et de repousser les mains téméraires des amants qui tenteraient de l’enlever, car, ajoutait-il, « quand la Hollande est prise, adieu les Pays-Bas » [182] .
Mais tous les prédicateurs n’avaient pas autant d’éloquence, et l’on cite le cas d’un ecclésiastique qui, s’adressant aux hommes de sa paroisse, s’écria naïvement : « Quand vous voyez ces tétons rebondis et qui se montrent avec tant d’impudence, mes frères, mes très chers frères, bandez les yeux. »
La fin de la phrase déclencha un tel fou rire dans l’église qu’il dut quitter la chaire sans pouvoir terminer son sermon…
Bien entendu, les anathèmes du clergé restèrent sans effet et les dames de Paris – bientôt imitées par celles de province – continuèrent d’exposer sans modestie ces appas qu’un prêtre avait joliment nommés « les deux cataractes de la nature enfantine altérée » [183]
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