Dans l'intimité des reines et des favorites
avaler quelque petit morceau. Ce qu’il fit à la vue de plusieurs honnêtes gens qui étoient aux fenêtres. Un autre eut moyen de lui arracher le cœur, et l’aller cuire sur des charbons ardents, et manger publiquement avec du vinaigre ! »
Enfin la dépouille du favori fut ramenée au Pont-Neuf couverte de poussière, de crachats, d’immondices, et brûlée devant le peuple hilare [215] …
Huit jours plus tard, une suite de carrosses quittait Paris. Dans le premier, une grosse femme pleurait en secouant ses seins flasques. C’était Marie de Médicis qui se retirait à Blois. Dans la seconde voiture, se trouvait un jeune prélat au visage anguleux et à l’œil vif. Il tenait ses mains noueuses serrées sur ses genoux. C’était Richelieu qui suivait la reine mère dans son exil.
Louis XIII pouvait enfin gouverner seul. L’un de ses premiers actes politiques le dépeint tout entier. Il publia une « ordonnance pour le règlement et réformation de la dissolution et superfluité qui est ès habillements et ornements d’iceux ». Ce jeune homme de dix-huit ans n’avait, en effet, rien conservé du petit garçon rieur qui faisait la joie de Henri IV . Il était sévère, pudibond, pieux. Les femmes lui faisaient peur et il interdisait les décolletés osés ainsi que les robes trop ajustées qui lui semblaient autant d’appels à la luxure [216] .
L’idée de coucher avec une femme lui faisait horreur. Il trouvait cela dégoûtant et imposait à Anne d’Autriche une chasteté déprimante. La pauvre petite reine, qui avait le sang chaud des Espagnols, se promenait dans le Louvre en poussant de gros soupirs et son regard s’attardait parfois plus qu’il n’était convenable sur quelque garde bien bâti…
Cette détresse fut bientôt si évidente que Luynes se permit de dire au roi qu’il devrait penser un peu à son épouse. Louis XIII se cabra. Et son médecin nota à la date du 4 juin : « Comme on lui reprochait de ne pas aller voir la reine, il répondit que cela l’échauffait. »
L’attitude du roi ne tarda pas à être connue en Espagne où elle fut considérée comme un affront. Philippe III , voyant sa fille dédaignée par le roi de France, montra une mauvaise humeur qui risquait d’être fâcheuse pour les relations futures entre les deux souverains. Il fallait donc que Louis XIII se décidât. Des ecclésiastiques zélés s’en mêlèrent, allant même un peu loin dans leurs suggestions, ainsi qu’on en peut juger par cette dépêche de Guido Bentivoglio, nonce du pape : On croyait très fort que cette fois, à Saint-Germain, le roi se déciderait à coucher avec la reine et à jouer jusqu’au bout son rôle d’époux ; mais il n’a soufflé mot à ce sujet, soit que la honte le retienne, ou que son énergie ne soit pas encore suffisante. Il en est qui lui conseillèrent de s’essayer préalablement avec une femme mariée ou ayant déjà quelque expérience, et de ne point faire ses premières preuves avec une vierge [217] , mais son confesseur le détourne de commettre un tel péché, et jusqu’ici ce bon avis l’emporte et l’emportera, on l’espère, jusqu’au moment attendu, lequel finalement ne pourra longtemps se faire attendre. Ces Espagnols, si ardents, se désespèrent, et disent que le roi n’est bon à rien. Son père aussi commença tard.
Pendant ce temps, la reine continuait de se retourner dans son lit avec une certaine nervosité. Le nonce, qui avait l’œil à tout, remarqua ses soupirs et écrivit au pape : Elle est toujours dans l’attente de cette bienheureuse nuit que le roi devra passer avec elle et qui ne finit point d’arriver.
Au début de 1619, le roi était toujours dans les mêmes dispositions lorsque le duc d’Elbeuf épousa M lle de Vendôme, fille de Henri IV . Cet événement n’aurait sans doute pas influé sur la vie intime de Louis XIII si celui-ci n’avait eu l’idée curieuse de se faire introduire, le soir des noces, dans la chambre nuptiale. Bien mieux, nous dit l’ambassadeur de Venise, il voulut être présent sur le propre lit des deux époux, afin de voir se consommer le mariage, acte qui fut réitéré plusieurs fois, au grand applaudissement et au goût particulier de Sa Majesté.
Le voyant si enthousiaste, M lle de Vendôme lui dit :
— Sire, faites, vous aussi, la même chose avec la reine, et bien vous ferez…
Ce spectacle sembla émoustiller le roi. Confia-t-il son
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