Dans l'ombre de la reine
longs doigts, dans ses cheveux.
— Ursula, si vous sortiez libre de cette maison aujourd’hui, que feriez-vous ?
Je ne dis mot. La réponse était évidente, et odieuse. Il la donna pour moi.
— Vous iriez sur-le-champ à la cour pour rapporter ce que vous savez. Quel bien croyez-vous qu’il en résulterait ? En ce qui me concerne – et je crois que je ne vous suis pas indifférent –, j’encourrais le châtiment réservé aux traîtres. Cela mettrait en danger les Westley et les Mason, ce que vous tenez à éviter. Tout cela en vain, car nous sommes nombreux à nous être engagés dans cette collecte de fonds. J’assume la responsabilité d’un petit groupe. J’ignore qui sont les autres. Cela ne ferait aucune différence, à la fin.
— Les meurtriers de John seraient châtiés.
— Et pour cela vous seriez prête à sacrifier les Westley et les Mason, à me sacrifier, moi ? Je comprends votre tristesse à son égard, cependant rien à présent ne le ramènera.
Je me remis à pleurer, incapable d’entrevoir une issue dans ce brouillard de lassitude et de désespoir. Puis je sentis son bras autour de mes épaules tandis qu’il me disait :
— En tout cas, une chose est claire. Je ne puis vous laisser ici. Votre tante et votre oncle ne m’inspirent pas confiance.
— À moi non plus, hoquetai-je.
— Toutefois, dit Matthew avec calme, je ne puis vous libérer. Il existe deux possibilités. L’une est simplement de vous garder à Withysham, jusqu’à ce que, ma mission terminée dans ce pays, je vende la demeure et retourne en France. Vous seriez bien traitée, mais ne pourriez partir avant que nous soyons en lieu sûr. C’est la solution que j’aurais appliquée envers l’une des nièces d’Herbert Faldene. Cependant, en ce qui vous concerne, il en reste une seconde.
— Laquelle ?
— Là encore, elle suppose de venir à Withysham, répondit-il avec simplicité. Mais afin de m’épouser.
— Vous épouser ?
— Pourquoi pas ? N’avions-nous pas abordé ce sujet, à Richmond et à Cumnor ? Ensuite, nous irions en France ensemble. Je devrai renoncer à Withysham quoi qu’il arrive, mais je ne l’ai acheté que pour contenter ma mère. Je l’échangerai volontiers contre un foyer de l’autre côté de la Manche. Surtout si je peux le partager avec vous.
— Quelle différence cela ferait-il si je vous épousais ? m’enquis-je avec lassitude. Je resterais prisonnière à vie et non pour quelque temps, voilà tout.
— Non, ce n’est pas tout ! Prisonnière ? Vous avez déjà été mariée, et moi aussi. Nous savons tous deux de quoi nous parlons. Épousez-moi, et je déploierai devant vous un tel festin des sens que vous ne désirerez rien d’autre. Nous serons amants et bien vite nous aurons des enfants. Je serai un véritable père pour votre petite fille. Vous serez la maîtresse de ma demeure. Vous mènerez la vie que vous méritez, que toute femme devrait avoir. Croyez-moi, j’emplirai vos jours de tant de joie que toutes les graves questions qui vous préoccupent à présent – la succession royale, telle foi ou telle autre – vous paraîtront bien loin. Votre époux, vos enfants et votre maison combleront votre univers. En France, vous serez aussi libre que n’importe quelle dame de qualité. Vos serviteurs, votre femme de chambre…
Il jeta un coup d’œil à Dale, qui se faisait minuscule, dans son coin, et nous écoutait, stupéfaite.
— … ainsi que votre valet pourront rester avec vous. D’ailleurs, mieux vaut qu’ils partent pour la France, eux aussi. Là-bas, peu importe s’ils commettent une indiscrétion. Qu’en dites-vous ?
Je n’en disais rien du tout. Il répéta sa proposition tendrement, sa colère oubliée, et m’attira contre lui, caressant mes cheveux de ses lèvres. Je ne résistai pas, étourdie par ce brusque renversement de la fortune. Passer de la perspective de l’emprisonnement, voire de la mort – car j’avais craint qu’on en arriverait à cette extrémité – à une demande en mariage était un terrible retournement de situation.
J’étais néanmoins confrontée à une nouvelle idée, que je ne pouvais encore saisir tout entière.
— Je dois réfléchir, déclarai-je enfin. Je ne puis vous répondre ainsi.
— Voulez-vous que je vous laisse seule ? Un homme garde la porte. Il vous suffit de frapper à l’huis quand vous souhaitez me parler.
J’acquiesçai. Il prit mon visage entre
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