Dans l'ombre de la reine
êtes-vous mêlée de ses affaires ? Il m’a fait porter une lettre par son palefrenier. Il m’a tout dit sur l’incident de cette nuit, excepté votre nom.
— Il fallait que je sache. Matthew, ne comprenez-vous donc pas que c’est un crime et que d’honnêtes gens se trouvent entraînés là-dedans ? Je pense à deux familles en particulier, les Mason et les Westley. Ont-ils fourni de l’argent ? À quoi pensaient-ils que cela servirait ? J’ai peine à imaginer qu’ils désirent provoquer une guerre civile, mais associer Marie Stuart et la cause catholique équivaut à cela. Croyaient-ils aider des prêtres itinérants à enseigner ? Mon oncle n’est pas si naïf, en tout cas. Il soutient sciemment les prétentions de Marie à la Couronne. Mais eux ? Ils préféraient cacher que vos hommes étaient venus, cependant même financer la formation des prêtres tombe sous le coup de la loi. Est-ce ainsi que vous extorquez de l’argent à des innocents ? En vous abstenant de mentionner Marie Stuart, pour mettre la foi en avant ?
J’avais visé juste. Le rouge afflua à son visage et ses yeux sombres brillèrent de colère.
— « Extorquer » est un mot bien laid, Ursula. Oui, nous avons sollicité de l’argent pour entretenir et former des prêtres. Mes hommes demandaient aussi quelle somme on se montrerait prêt à verser si jamais Élisabeth…
— La reine Élisabeth ! rectifiai-je d’une voix tremblante.
— À votre aise. Si la « reine » Élisabeth mourait sans héritier, ou si le royaume se retournait contre elle et que Marie Stuart débarque sur ce rivage, nous voulons savoir quel soutien nous rencontrerions. Bien sûr que nous parlons de Marie ! La plupart des personnes visitées ont offert une contribution, certaines préféraient attendre que l’heure vienne. Mes hommes leur ont demandé, pour leur propre sécurité, de ne pas souffler mot de leur visite. Quant à savoir si ces contributions et ces demi-promesses relèvent de la trahison, c’est une question d’opinion. À qui va la loyauté suprême : à la Couronne ou à Dieu ? Je crois, comme beaucoup d’autres, que la reine légitime d’Angleterre est Marie Stuart et que la religion catholique est la vraie foi, qui un jour reviendra. On nous montrera la voie. Un événement surviendra. Tout le monde doit mourir un jour, même une reine…
— Même Marie Stuart ! dis-je avec espoir, mais il n’y prit pas garde.
— Le peuple anglais pourrait se révolter contre sa souveraine, surtout si elle épouse Dudley, comme cela paraît vraisemblable.
— C’est ce que dit mon oncle.
— Eh bien, il a raison ! Lorsque cette nouvelle aube se lèvera, et que Marie viendra réclamer son dû au nom de Dieu, il faudra des fonds pour payer ses armées. C’est ce que nous faisons, moi et d’autres. Nous veillons à ce que cet argent soit collecté et versé dans ses coffres, en prévision du moment choisi par Dieu.
— L’un des vôtres a-t-il préparé le meurtre de Lady Dudley dans l’espoir de perdre la reine ? Je gage qu’elle sera trop intelligente pour vous.
Il me regarda fixement.
— Oh, mon Dieu ! m’écriai-je. Était-ce le motif de votre venue à Cumnor ? Vous tramiez son assassinat ?
— Moi, assassiner Amy Dudley ? protesta-t-il, déconcerté. De quoi parlez-vous ? Je venais à seule fin de vous voir ! Je ne sais rien de la mort de Lady Dudley, sinon les détails qui sont parvenus à mes oreilles. On a conclu à l’accident, et si ce verdict est erroné, alors je suppose que Dudley l’a fait tuer dans le dessein de devenir roi d’Angleterre.
— Il n’en est rien, assurai-je. Je l’ai su il y a quelque temps, peu importe comment. Depuis lors, je croyais qu’il s’agissait d’un accident ou d’un suicide. Maintenant, je m’interroge !
— Je vous le répète, s’impatienta Matthew, je suis venu à Cumnor Place pour vous. Vous et non une autre ! Croyez-vous que j’aurais assassiné une pauvre femme innocente et malade ?
— Votre cousin et ses amis ont bien assassiné un homme innocent et honnête !
— Ils n’avaient pas le choix !
— Que serait-il arrivé, si l’une des autres nièces d’Oncle Herbert s’était trouvée à ma place ? Il en a une demi-douzaine par alliance – les filles de la sœur et du frère de Tante Tabitha. Qu’auriez-vous fait d’elle ?
— Il est plus facile de contrôler une femme. Je n’aurais pas permis qu’on lui
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