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Dans l'ombre de la reine

Dans l'ombre de la reine

Titel: Dans l'ombre de la reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Fiona Buckley
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rivale dans son affection. Elle serait enchantée que je parte avec vous ! Quand je remonterai, je ne veux pas subir ses piques et ses allusions.
    — Comme je le disais, elle est jalouse. Elle vous envie votre jeunesse, l’avenir qui s’ouvre devant vous alors que plus rien ne l’attend. Attention, Ursula ! m’exhorta-t-il d’un air sérieux. Si vous ne vous remariez pas, vous risquez de devenir une autre Pinto. Au revoir, me dit-il en français, et prenez garde !
    Il s’éloigna sur son cheval, tandis que ce sombre avertissement résonnait encore à mes oreilles.
    Ayant grand besoin de trouver l’apaisement, je m’accordai quelques minutes pour traverser la cour de l’écurie et saluer John Wilton. Il passait le plus clair de son temps auprès des chevaux et, depuis mon arrivée, je le voyais à peine. Il me dit qu’il allait bien et demanda si j’avais à le charger de quelque commission.
    — Pas pour l’instant, John, répondis-je en regardant avec affection ses cheveux hérissés, me rappelant cette fameuse nuit où Gerald, lui et moi avions chevauché jusqu’à Guildford. Mais je suis contente de vous savoir ici, ajoutai-je avec sincérité.
    Je retournai auprès d’Amy. La veille, elle m’avait demandé si j’avais pris une décision avec Mr. de la Roche, et quand j’avais répondu que je ne me sentais pas prête encore, elle avait déclaré : « Pensez-y, Ursula », puis avait ajouté : « Toutefois, je me réjouis que vous restiez pour l’instant. »
    À présent, je voyais combien elle avait besoin d’aide et de compagnie. L’effort requis pour faire bonne figure pendant le repas l’avait épuisée. Elle était au bord des larmes, anéantie par la souffrance. Nous lui apportâmes des potions apaisantes, l’aidâmes à s’installer à son prie-Dieu. Plus tard, Pinto joua un moment aux dames avec elle, jusqu’à ce qu’Amy exprime le désir de regagner sa chambre et de manger au lit, sur un plateau.
    Quand elle eut pris son repas, que je goûtai comme de coutume, elle décida de s’asseoir au salon et de broder un peu, mais elle se sentit vite lasse. Elle me pria alors de lui faire la lecture.
    Bien que Pinto fût de noble naissance, sût jouer du luth et chanter aussi bien que moi, elle ne provenait pas d’un milieu où l’on prisait l’intelligence chez une femme. Elle n’était pas plus instruite que Bridget. Pinto savait signer de son nom et préparer une étiquette pour un baume, de l’eau de rose ou des conserves de prunes, mais seulement avec lenteur ; la lecture, pour elle, consistait à déchiffrer une lettre après l’autre et à lier les sons non sans hésitation. Elle était incapable de lire à haute voix pour distraire sa maîtresse et détestait que je le fasse.
    Chaque fois, elle écoutait, les lèvres pincées, et si elle trouvait matière à contester mon choix, elle ne s’en privait pas. J’essayai de persuader Amy de désigner un ouvrage, parce que dans ce cas Pinto ne bronchait pas, mais ce jour-là comme bien souvent Amy soupira :
    — Oh ! je suis trop fatiguée. Décidez pour moi, Ursula.
    Aussi, parcourant ses livres, je trouvai des vers de William Dunbar 1 et lui lus une célébration de la ville de Londres. Lorsque j’eus fini, Pinto décréta que c’était bien morne. Alors j’essayai un autre poète, Skelton 2 , dont les vers vantaient la beauté de dames diverses, et Pinto remarqua que c’était un dépravé et s’indigna qu’on pût juger son œuvre adaptée à sa maîtresse. Je ne fus donc pas étonnée qu’Amy demande à se coucher, disant qu’elle tombait de fatigue. Ensuite, Pinto me lança des piques, insinuant que mon piètre goût littéraire avait lassé Lady Dudley. Le soir venu, j’avais l’impression d’avoir passé la journée à me frapper la tête contre un mur de pierre. Une migraine approchait.
    Je me couchai tôt et mon mal de tête s’estompa, néanmoins le sommeil me fuyait. Matthew m’avait fait perdre ma sérénité. Tout à coup, il semblait odieux de vivre ainsi, d’essuyer la rancœur de Pinto et de goûter les plats.
    Dale avait observé un jour que ce n’était pas à elle de juger, mais qu’elle n’aimait pas me voir servir de goûteur ; ce n’était pas digne. Maintenant, je l’approuvais de tout cœur. Le simple fait de manger dans des conditions normales durant la réception faisait ressortir, par contraste, l’aspect détestable du quotidien. Quelle horrible

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