Dans l'ombre de la reine
soyez sûre que je n’ai commis aucun mal.
Forster et ses amis n’auraient pas vu la chose du même œil.
— À présent, je voudrais que vous m’apportiez mon souper froid, et ensuite je dormirai.
Je me restaurai puis allai me coucher, désespérée. Je me sentais perdue dans un monde plein de mystérieux dangers et d’incertitude. Au matin, je devrais rendre un rapport à Lady Dudley, mais qu’allais-je pouvoir lui dire ? Jusqu’où pouvais-je lui apprendre la vérité et dans quelle mesure la connaissais-je ? Je n’avais découvert que très peu de chose.
Partagée entre mes doutes, mes appréhensions et mon sentiment de responsabilité envers elle, je me sentais plus seule encore qu’après la mort de Gerald.
Cette nuit-là, ce ne fut pas lui qui revint dans mes songes, mais Matthew de la Roche, avec une telle force et d’une telle manière que je m’éveillai palpitante, comme si l’acte d’amour que je venais de vivre en rêve avait été réel.
Je pris aussi conscience, à mon réveil, que certaines de mes idées s’étaient assemblées en un tout cohérent.
Et je n’en tirais pas une certitude accrue, comme je l’eusse tant souhaité, mais une suspicion nouvelle et une peur intense.
CHAPITRE VIII
Attente
— Lady Dudley, j’ai réussi à surprendre une partie de leur conversation en me cachant derrière la tapisserie de la salle à manger.
Mes paroles firent naître un pauvre petit sourire. J’étais allée auprès d’Amy dès mon réveil et l’avais trouvée très mal en point. Avec Pinto, je changeai le pansement sur son sein et lui administrai une potion contre la douleur, cependant elle était abattue. Elle ne me laissa pas goûter le gruau que Pinto lui avait apporté pour le petit déjeuner.
— Si vraiment il est empoisonné, il abrégera mes souffrances.
Ensuite, elle trouva un prétexte pour éloigner sa dame de compagnie, puis me confia qu’elle avait deviné, à l’inquiétude de Dale la veille, que j’étais allée dans l’aile de Forster pour tenter d’apprendre quelque chose.
— Racontez, me dit-elle.
— Il y a fort peu à dire. Il n’a jamais été fait mention de vous, Lady Dudley, ni de votre époux. Holme a remis un document à Forster, et ils ont évoqué la difficulté de trouver un messager capable de porter des lettres confidentielles. Il a été question d’une somme due à Mr. Forster, qu’il craint de ne jamais recevoir. Rien, Lady Dudley, absolument rien ne suggérait que… vos soupçons puissent être fondés.
— Rien ne suggérait qu’ils préparent mon assassinat. Dites-le donc clairement, Ursula.
— Non, Lady Dudley, ni le vôtre ni celui de quiconque.
— Merci, Ursula. Vous avez essayé, et je vous en suis reconnaissante. Maintenant, j’aimerais me reposer. Envoyez-moi Pinto.
Je regagnai ma chambre et m’assis, tâchant de mon mieux de mettre de l’ordre dans mes idées.
Je n’avais pas menti à Amy, tout juste omis certains détails. À quoi bon l’alarmer alors que, ne sachant rien de précis, je ne pouvais prendre aucune mesure préventive ? Les éléments dont je disposais étaient si vagues !
Ils existaient néanmoins. Un projet contestable était sur pied. Forster, Verney et Holme agissaient pour le compte de personnes qu’ils appelaient leurs commettants et qui craignaient que leur nom fût mentionné même en privé. Cette prudence extrême suggérait une affaire dangereuse ou douteuse, l’un n’excluant pas l’autre. Et l’on avait tout lieu de croire que les personnes en question occupaient une haute position.
Il y avait eu aussi cette allusion au Dr Bayly, coupable de diffamer Forster. En l’accusant de tentative de meurtre ? Forster s’en disait outré. Mais si le médecin avait raison, quel embarras pour lui que de voir la vérité ébruitée dans tout le voisinage ! L’affaire mystérieuse qui réunissait les trois complices pouvait être une simple escroquerie. Mais si, après tout, elle avait un rapport sinistre avec Amy ?
Et si des personnes, dont le nom était connu, s’avouaient prêtes à payer Forster pour l’assassiner, de qui cela pouvait-il s’agir ?
De Dudley, bien entendu. Je ne pouvais croire qu’Élisabeth fût enceinte de ses œuvres, mais il redoutait peut-être qu’elle lui échappe et tombe dans les bras d’un prince étranger. Oui, cela était possible. En ce cas, il aurait eu intérêt à hâter la disparition d’Amy.
Les pensées
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