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Dans l'ombre de la reine

Dans l'ombre de la reine

Titel: Dans l'ombre de la reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Fiona Buckley
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d’Abingdon. Le premier avait dit qu’une certaine année, il avait plu durant la foire entière, sur quoi le deuxième avait remarqué que ce serait un désastre. À coup sûr, s’ils voulaient que la maison soit vide pour y commettre un meurtre sans être dérangés ! Les servantes ne sortiraient pas sous une pluie battante !
    — Ursula, reprit Amy d’un ton posé, comme si elle réfléchissait au menu du dîner, je pense que l’on se débarrassera de moi quand tout le monde sera à la foire. Je prépare en quelque sorte le terrain. Ne risquez pas la corde : allez à Abingdon et ne quittez pas les autres un instant, puis revenez avec eux au coucher du soleil.

CHAPITRE IX

La petite voix froide
     
    J’allai à la foire en protestant et quasiment sous escorte.
    Nous partîmes à pied juste après le service du matin, dans une troupe formée par le personnel des trois ailes de Cumnor. Lady Dudley, Mrs. Owen et Mrs. Odingsell étaient restées à la maison, et Forster s’y rendait de son côté, à cheval.
    Une fois à Abingdon, nous nous séparâmes en petits groupes. Dale et moi étions accompagnées – ou plutôt cernées – par Pinto, Bowes, maigre, taciturne et toujours en alerte, et Roger Brockley, le palefrenier à l’impassibilité pleine de tact. Brockley était un homme bien bâti, aux cheveux bruns épais à peine grisonnants sur les tempes. Il avait des taches de rousseur, un front haut et fuyant, et une nature consciencieuse. Il était du genre à se faire son opinion par lui-même et ne semblait pas me détester, toutefois il s’en tiendrait aux ordres qu’on lui avait donnés.
    Amy n’avait pas seulement insisté pour que j’aille à la foire ; elle avait prévenu Pinto qu’on ne devait pas me permettre de revenir avant les autres.
    Pinto, bien entendu, l’avait interprété comme une marque de méfiance. Je l’entendis déclarer à Bowes et à Brockley que sa maîtresse insistait pour rester seule et que personne ne contesterait sa décision en rentrant trop tôt. Mrs. Blanchard, ajouta-t-elle, s’y emploierait peut-être, mais il faudrait l’en empêcher. Nul n’ignorait les craintes d’Amy, à Cumnor Place, ni le fait que j’étais envoyée par son mari. Brockley dépendait d’elle pour ses gages et Bowes de Forster, cependant l’un et l’autre respecteraient sa volonté. Qu’ils partageassent ou non les soupçons de Pinto, ils ne me perdraient pas de vue.
    Pinto était une femme bornée. Elle était si sûre que s’il y avait du danger, il viendrait de moi, qu’elle ne pouvait envisager d’autre possibilité. Dale s’en offusquait et toutes deux se battaient froid.
    La foire d’Abingdon constituait l’un des grands événements locaux de l’année. La ville entière la célébrait par ses rues pavoisées et par de joyeuses processions d’apprentis et de marchands, accompagnées de musiciens, vantant leur profession.
    Les prairies au bord de la Tamise, débarrassées de leurs vaches et de leurs moutons pour l’occasion, étaient réservées à la foire. À l’une de ses extrémités se dérouleraient du matin jusqu’au soir des concours de saut en hauteur, de lutte et de tir à l’arc. L’autre était dévolue à un marché aux chevaux et au bétail.
    Entre les deux, des étals proposaient tourtes chaudes, friandises, jambons, remèdes et simples ; gants, chapeaux, ceintures et rubans ; étoffes de drap et écheveaux de laine ; parfums bon marché et colifichets ; fromages, vin de sureau et de pissenlit, bière, beurre et œufs frais. Une femme vendait des paniers, un quincaillier proposait des outils, de la corde et des marmites ; un potier qui avait apporté son tour fabriquait ses produits sur place, et un orfèvre qui exposait sa marchandise se faisait assister de deux robustes fils et d’un gros chien menaçant pour décourager les chapardeurs. Quoi que l’on désirât, la foire était l’endroit idéal pour le trouver.
    À notre arrivée dans la grand-rue, nous fûmes bloqués par des chariots transportant cochons, cages de poules et autres denrées à vendre. Les divertissements ne manquaient pas. Dès l’entrée de la ville, un montreur d’ours donnait son spectacle au milieu de la rue, et une troupe de comédiens itinérants entamait une pièce devant l’abbaye.
    Dans la chaleur de midi, la foire était assourdissante. Les acteurs ferraillaient dans une parodie de duel troublante de réalité ; les chevaux, les chiens et les

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