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Dans l'ombre de la reine

Dans l'ombre de la reine

Titel: Dans l'ombre de la reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Fiona Buckley
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me dire : « Ce qui touche à l’honneur de Sir Robin touche aussi au mien. »
    Alors vint le moment que je ne puis évoquer sans honte encore aujourd’hui. Certes, on ne peut m’accuser d’avoir trahi Amy. Entre ma cheville et mes compagnons, je n’avais aucun espoir de retourner à Cumnor. Et même dans le cas contraire, si Verney et Holme chevauchaient vers le domaine dans un noir dessein, ils étaient déjà loin. Jusqu’au moment où je les avais vus, une partie de moi s’accrochait à l’espoir que je me trompais, qu’Amy s’abusait et que nul ne lui voulait de mal, après tout. Maintenant, cet espoir était mort. Avec une atroce lucidité, je savais qu’elle était en danger.
    Pourtant, si mes compagnons étaient arrivés avec des chevaux rapides, capables de nous ramener à Cumnor à temps, je serais retournée à Abingdon plutôt que d’avouer : « Le danger vient de Richard Verney. »
    Verney était l’agent de Dudley. À supposer qu’ils me croient, ils verraient derrière cette menace non seulement le Maître des écuries, mais la reine.
    Un jour, ils parviendraient peut-être à cette conclusion, mais j’étais résolue à n’y avoir aucune part. Car, alors que je me tenais là, une petite voix froide parlait dans ma tête.
    Imagine Élisabeth discréditée, pendant que Catherine Grey et Marie Stuart s’arrachent sa couronne. Imagine la guerre civile qui en découlera.
    Imagine Marie Stuart triomphante, reine catholique sur le trône d’Angleterre. Rappelle-toi ce qu’a fait Marie Tudor aux hérétiques.
    Peut-être cela arrivera-t-il quoi que l’on fasse, mais veux-tu rendre cet avenir-là inéluctable ? Veux-tu, toi, Ursula, être celle qui aura mis le feu aux poudres en précipitant la ruine de cette paix nouvelle, encore bien fragile, dans le royaume ?
    Quoique j’aie trahi Amy par la pensée, car j’en suis sans doute coupable, ce ne fut pas par intérêt personnel, mais pour le bien de l’Angleterre. Malgré tout, au fond de moi, j’aspire encore à lui demander pardon.
    Je ne tentai donc pas de leur faire comprendre pourquoi je tenais désespérément à regagner Cumnor. Je me contentai de hausser les épaules.
    — Retournons à Abingdon. Du moins, à condition que je puisse tenir jusqu’à là-bas.
     
    Marcher parut me faire du bien. Une fois en ville, je m’assis devant une taverne, où je passai le reste de l’après-midi. Pinto et Dale me tinrent compagnie, se regardant en chiens de faïence. Bowes s’en alla de son côté. En revanche, Brockley nous apporta des gâteaux et du cidre de l’auberge, et bien qu’il allât voir la foire de plus près, il revint plusieurs fois pour s’enquérir de mon état. Plus tard, Bowes reparut et, avec Brockley, récupéra pour le retour de notre petit groupe un chariot qui avait amené un métayer de Cumnor et sa famille.
    Nous arrivâmes avant tout le monde. En remontant le chemin après la maison du portier, je remarquai avec inquiétude que des chevaux étaient passés par là récemment. Je n’attirai pas l’attention des autres sur ce fait.
    Dans la cour, les chiens nous accueillirent en bondissant. Nous nous séparâmes ; Bowes partit dans l’aile de Forster et Brockley vers les écuries. Pinto, Dale et moi, silencieuses et d’humeur grincheuse, passâmes l’entrée d’Amy.
    Elle gisait au pied des marches, pitoyable, recroquevillée sur elle-même. Elle ne paraissait pas avoir été précipitée dans l’escalier, car sa coiffe blanche était parfaitement en place, les jupes en taffetas mordoré de sa robe du dimanche disposées avec décence. Elle semblait toute menue, à peine plus grande qu’une enfant. Sa tête était tournée selon un angle effrayant, les yeux ouverts et vides. Elle était morte.
     
    La tragédie et la farce ont l’art de s’entremêler. L’horreur et le chagrin nous firent perdre toute dignité. Pinto s’assit par terre en proie à l’hystérie, Dale entreprit de lui donner des claques et moi, je pestais contre elles deux. En boitillant, je me hâtai de traverser la cour vers l’aile de Forster. Les chiens aboyaient et gambadaient autour de moi, prenant l’agitation qu’ils percevaient pour un jeu.
    En entendant ce tapage, Brockley accourut des écuries. Je lui hurlai de retenir ces maudits chiens avant d’entrer dans le cloître pour accéder à l’entrée de Forster. J’appelai Mrs. Odingsell d’un ton pressant qui la fit venir sur-le-champ, Bowes sur ses talons.

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