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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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avec les clients qu’elle avait aguichés.
    Antoine se mit en colère.
    — Comment pouvez-vous débiter de pareilles fables ! Je la connais, elle n’a rien d’une catin. Mais peut-être est-ce l’aigreur qui vous fait parler.
    — Prenez garde Antoine, je vous ai déjà pardonné une fois, ne poussez pas ma patience à bout. Malgré toute l’amitié que j’ai pour vous, il y a des insultes que je ne saurais tolérer. Je regrette ; je n’aurais rien dû vous dire, car, une fois encore, cette histoire se retourne contre moi.
    Elle l’observa puis se calma. Il était tellement bouleversé qu’elle en fut attendrie.
    — Je comprends votre désarroi, j’ai dû être trop violente, mais je ne savais pas comment vous l’annoncer.
    — Il s’agit peut-être d’une vague ressemblance, comment pouvez-vous être aussi sûre ? Vous ne l’avez vue que de loin. Une chevelure qui dépasse des draps, voilà toute l’affaire !
    — J’ai eu le temps de l’observer. Croyez-vous qu’elle se soit camouflée par pudeur ? Non, elle a très bien vu que je la reconnaissais.
    — Attendez un instant que je reprenne mes esprits, demanda Antoine encore étourdi par la nouvelle.
    Il réfléchit ; le doute s’installait. Gabrielle lui aurait mis une putain dans les bras pour le séparer de sa nièce et l’humilier… Cette femme était-elle aussi diabolique ? Le traquenard paraissait tellement énorme qu’il avait du mal à le croire. Mais le plus difficile était d’accepter que Juliette eût joué la comédie. Il entendait à nouveau ses mensonges, il revoyait ses mines mercenaires. Une putain ! Sans doute n’avait-elle eu aucun plaisir avec lui. La garce s’était contentée de feindre. Et après combien d’hommes était-il passé dans la même journée ? Le conte de fées tournait au cauchemar le plus sordide.
     
    Il quitta Éléonore en s’excusant. Tout cela n’était peut-être qu’une simple méprise. Il avait justement rendez-vous avec Juliette le lendemain. Elle ne pourrait plus lui mentir. Il saurait enfin la vérité. Le reste de la journée, puis la nuit lui parurent interminables. Il dormit à peine, échafaudant tous les hypothèses possibles.
    Mais, le lendemain, comme il l’avait craint, Juliette ne vint pas. C’était bien la confirmation de sa traîtrise. Il éprouva un sentiment de solitude et d’humiliation atroce. Il voulait tuer cette prostituée, tuer Gabrielle et se tuer lui-même. Il ne parvenait à rien faire. Il en perdait la raison. Puis, enfin, quand il fut vraiment à bout, il courut chez Mme de Nogaret.

VII
    Il frappa comme un forcené à la porte de l’hôtel. Un domestique sortit et lui barra le passage. C’était le même qui, la première fois, lui avait transmis l’invitation à souper de Gabrielle. L’homme était toujours aussi froid et impassible. Il y avait, toutefois, dans son regard, une lueur de moquerie imperceptible. Antoine eut envie de le battre.
    — Madame ne peut pas vous recevoir.
    — Et pourtant, il le faudra bien, déclara Loisel d’un ton autoritaire.
    — Je vous répète que c’est impossible, Monsieur.
    — Dites-lui donc que je ne bougerai pas d’ici tant qu’elle ne m’aura pas reçu. Qu’elle ne m’oblige pas à faire du scandale.
    Le valet resta un instant figé puis disparut derrière la porte. Antoine attendit une dizaine de minutes ; la coquine, pensa-t-il, lui paierait le prix de ces avanies au centuple. La grande porte s’ouvrit à nouveau.
    — Madame accepte de vous recevoir, je vous prie de me suivre.
    Le domestique l’avait toisé comme une limace. Foutre ! se dit le Toulousain avec rage, en songeant à la veuve, vivement qu’on rabatte le caquet de tous ces bougres d’aristocrates.
    Le valet le fit entrer dans le salon où l’attendait Gabrielle. Antoine regarda avec inquiétude autour de lui pour savoir si Amélie était rentrée de la campagne, mais il ne la vit pas.
    Dès qu’il eut franchi la porte, Mme de Nogaret l’apostropha violemment.
    — Eh bien, Monsieur, combien de temps devrai-je encore tolérer vos insolences ? Même l’affection que j’ai pour Gaspard de Virlojeux ne me permettra pas d’en supporter davantage, croyez-moi.
    — Et vous, Madame, rabaissez donc votre superbe. Elle n’est plus de saison. Je suis venu entendre vos explications à propos de l’odieuse machination que vous avez tramée contre moi. Car je sais tout. Comment pouvez-vous être assez perverse pour

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