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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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le conserverai précieusement et l’essaierai, dès que l’occasion s’en présentera.
    Laheu se contenta d’agiter la tête. Il s’éclipsa sans dire un mot. Antoine alla ranger le fusil puis revint s’asseoir près des convives.
    Le repas terminé, on se remit à danser jusqu’au souper. Au moment du dessert, les cousines d’Amélie, chargées d’une grande couronne de fleurs, vinrent lui adresser des adieux solennels. Horace de La Viguerie se leva à son tour, s’approcha d’Amélie, dénoua le ruban rouge qui était noué autour de sa jambe et qui représentait sa virginité. Bien qu’il ne convoitât nullement sa cousine, le vicomte ne put s’empêcher d’avoir un éclair de séduction dans le regard. Mais Amélie était tellement embarrassée par cette coutume qu’elle ne s’aperçut de rien. Ses joues étaient devenues écarlates et elle sentait la chaleur lui cuire les chairs. On leva bruyamment un toast. Le ruban fut aussitôt découpé et chacun s’en décora l’habit comme d’une cocarde.
    La fête dura ainsi pendant deux jours, sans interruption. Les jeunes mariés, qui n’avaient pas pu dormir, étaient étourdis et complètement épuisés. Depuis de longues heures déjà, ils rêvaient de se retrouver seuls.
     
    À vrai dire, la nuit de noce les terrifiait un peu, surtout Amélie, qui était vierge et sentait des suées froides à la seule idée de se dénuder devant un homme. Elle était persuadée qu’elle serait horriblement gauche ; elle craignait le ridicule devant Antoine qui avait certainement une grande expérience en la matière. La jeune femme, d’habitude si volontaire, ressembla dès lors à une petite fille confuse. Sa nervosité augmenta à mesure que les invités quittaient La Boissière. Morlanges et Virlojeux étaient partis depuis longtemps, riant et devisant comme deux vieux camarades de régiment. Les Laheu venaient de quitter la ferme après avoir serré Amélie une dernière fois dans leurs bras. La jeune fille se retrouva bientôt seule avec son mari.
    Antoine fit tout pour la mettre à l’aise. Alors que ses yeux se fermaient de fatigue, il se montra particulièrement patient et attentionné. Quand il pénétra dans la chambre nuptiale, le chandelier en main, Amélie l’attendait, allongée sur le lit ; elle était tellement emmitouflée dans les draps que seuls une touffe de cheveux, des yeux apeurés et le bout de son joli nez s’en échappaient. Le Toulousain fut attendri et amusé par la pudeur de sa femme.
    — Me ferez-vous une place ? demanda-t-il en riant.
    — Vous vous moquez de moi ?
    — Non, pas du tout.
    Amélie écarta le bord du drap, mais avec tant de précautions qu’elle fit seulement de la place à un enfant de deux ou trois ans. Antoine prit alors l’initiative de soulever délicatement le drap et s’aperçut que la jeune femme était encore habillée.
    — N’allez-vous pas ôter cette robe de nuit ? dit-il avec un soupçon d’espièglerie.
    Amélie était frémissante.
    — Le faut-il vraiment ?
    — Ma foi, il me semble que oui, taquina le Méridional…
    Avec une extrême lenteur, la jeune femme enleva sa robe de nuit. Antoine avait déjà deviné la finesse de sa taille, le galbe de ses seins, la couleur et la douceur de sa peau, mais lorsqu’il la vit entièrement nue, il resta sans voix. Le visage d’Amélie devint rouge comme une pivoine. Elle ferma les yeux et les rouvrit assez vite ; puis, humectant le pouce et l’index de sa main droite, elle éteignit trois des six bougies du chandelier avec une rapidité étonnante. L’éclairage diffus enveloppa son corps d’une lueur ocrée. La lumière était suffisamment vive pour dévoiler ses proportions harmonieuses, mais pas assez pour en livrer tout le mystère. Antoine oublia d’un coup sa fatigue ; il prit Amélie dans ses bras et serra son corps tremblant. Il savait que les premières expériences amoureuses sont rarement faites de plaisir et que, bien au contraire, l’angoisse, la douleur physique, l’ignorance, en étouffent souvent les germes. Il manifesta autant de sensualité que de tendresse envers sa femme, prenant le temps de la caresser, de l’embrasser et, pour ainsi dire, de lui faire découvrir son propre corps.
    Ils restèrent cloîtrés pendant plus de deux semaines, se levant uniquement pour se nourrir et passant le plus clair de leur temps à faire l’amour, à converser au pied de la grande cheminée ou à observer le spectacle de

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